Pour ce troisième article à propos de Japan Expo 2022, j'aborde les conférences des différents animateurs invités avant conclure avec quelques artistes qui sont passés sur la scène culturelle.

 

Sans respecter l'ordre chronologique, je commence avec la conférence du studio Mappa qui s'est déroulée le samedi sous la pulsion de Crunchyroll. Il y avait le président du studio, Manabu Otsuka, Makoto Kimura, producteur entre autres de l'Attaque des Titans et de Jujutsu Kaisen, le scénariste Hoshi Seko et le réalisateur Shûhei Yabuta. Ce dernier s'intéresse à la France et à l'animation française depuis au moins un an et il a l'air d'avoir fait le déplacement à Japan Expo à ses frais. Il était au salon la veille en tant que visiteur et a été l'invité de dernière minute pour la conférence Mappa.

 

La session a commencé avec des considérations générales telles que le succès des productions en dehors du Japon et la réjouissance de l'équipe qui a pu constater à Japan Expo que le public français appréciait les anime. M. Kimura a rappelé qu'une évolution notable était la diffusion devenue simultanée au Japon et à l'étranger, alors qu'il y avait un décalage avant avec les sorties sur support vidéo. M. Otsuka a aussi souligné la passion qui anime ses collaborateurs.  

 

Il a été surtout question de titres en particulier et d'abord l'anime de Chainsaw Man. Il y a eu peu d'information sauf à dire que l'équipe de production était jeune et qu'il faudra prêter attention aux annonces pendant l'été mais M. Seko est revenu sur le travail d'adaptation. Le manga d'origine est violent avec des têtes qui volent et il a tenu à conserver cet aspect gore. De manière générale, la difficulté pour adapter un manga est non seulement de mettre en mouvement les personnages mais aussi de songer en permanence à la mise en scène. Le mangaka peut jouer avec la découpe des cases ou les pages pleines, là où l'équipe d'une série est prisonnière de la taille d'un écran.  

 

 

Une autre série à l'honneur a été la deuxième saison de Vinland Saga, réalisée par M. Yabuta et scénarisée par M. Seko. La première saison enchaîne les combats alors que la suite à un rythme beaucoup plus tranquille mais en fait la violence prend une autre forme avec l'oppression, les brimades et la dureté des conditions de vie. Pour accentuer les effets, l'équipe avait besoin de temps  pour approfondir la psychologie des personnages. L'histoire évolue de manière originale avec Thorfinn qui est passé du camp des oppresseurs à celui des opprimés, et de voir comment il y fait face au quotidien.

 

L'auteur du manga Makoto Yukimura s'est investi dans la production notamment à cause des scènes inédites qui n'existent pas dans l'histoire originale mais qui renforcent la dramaturgie. À la surprise de M. Yabuta, non seulement le mangaka a validé ces passages mais il a encouragé l'équipe à les multiplier et aller plus loin. La série est prévue pour janvier 2023. 

 

 

La dernier titre abordé a été la saison finale de l'Attaque des Titans. M. Yabuta est en charge de la 3D CGI depuis le début où il était encore freelance à l'époque alors qu'il est salarié chez Mappa maintenant. Il s'est d'abord fait la main avec les équipements à modéliser, puis des armes de plus en plus grandes, avant de finir avec les titans. Quand le studio Wit s'est retiré, il a eu quelques appréhensions mais a été rassuré par l'arrivée de Mappa sur le projet. Il sent cependant la pression alors qu'il doit diriger une équipe de novices.

 

Pour M. Seko, l'arc final est difficile à adapter et son objectif est de réussir à transmettre un sentiment de désespoirs au fil des épisodes. Il est heureux d'arriver au bout d'une production qui aura duré 10 ans, le premier volet datant de 2013. Le changement de studio de Wit à Mappa collait finalement avec le changement marqué au niveau de l'histoire entre l'arc final et les précédents.

 

 

Sur le fond, la conférence était d'abord un exercice marketing de communication de la part du studio, avec des messages stéréotypés de la part des producteurs mais les interventions de M. Yabuta et M. Seko ont apporté un autre éclairage. Les questions et une partie des réponses avaient été préparée à l'avance mais nous pouvons saluer la performance de la traductrice qui a géré les quatre invités à elle seule. Malheureusement, si les invités parlaient relativement, la traductrice avait une voix plus fluette qui était souvent couverte par la sono d'un concert qui avait lieu en même temps sur la scène Tsubamé située à côté de la salle Yuzu. J'ai raté ainsi quelques passages des traductions alors que j'étais assis au 5e rang.

 

 

Un autre animateur invité à Japan Expo 2022 a été Yukio Takatsu qui a la particularité d'habiter en France. Sa conférence était le vendredi et est revenu sur ses débuts.

 

Le déclic est venu avec les films de la trilogie Gundam et il a commencé par intégrer le petit studio Miyuki Production avec une dizaine d'autres personnes en même temps, mais à l'époque la société venait d'avoir une vague de départs et il ne restait que trois personnes du staff d'origine. L'animateur a poursuivi ensuite sa carrière ailleurs avec cependant un mois d'interruption pour apprendre à conduire et à s'essayer à la sculpture, mais sans trouver le succès escompté qui lui aurait permis d'en vivre.

 

 

Freelance, il est revenu dans l'industrie de l'animation sur Utena la fillette révolutionnaire et a commencé à enchaîner les génériques qui sont sa marque de fabrique, d'abord sur des séquences de jeux vidéo, de Persona 3 à Tantei Opera Milky Holmes en passant par Atelier Ayesha. Il joue beaucoup avec les formes géométriques et les symétries, tout en utilisant le texte comme matériel de composition.

 

Il réutilise aussi parfois des séquences tirées des anime pour ne pas avoir à tout animer ou redessiner. Son travail a été suffisamment remarqué pour être sollicité par la studio Shaft pour réaliser différents génériques sur les adaptations en anime des Monogatari Series. Certains effets restent dans les annales, tels que le kanji de l'oeil extrait d'un nom pour être positionné sur le visage de Karen, ou encore une scènes d'explosion qu'il prend pour modèle pour être déclinées en série.   

 

 

La conférence permettait d‘avoir une idée précise des réalisations de Yukio Takatsu, avec aussi une analyse de son style et de ses particularité. Il est un peu dommage que nous ayons plus entendu l'animateur que l'invité qui parlait pourtant français, mais d'un autre côté, il paraît qu'il a été plus bavard que quinze jours avant à Japan Tours où son intervention était dans un environnement inconfortable. 

 

 

Le seul problème que j'ai eu est un conflit d'agenda avec la conférence de MM. Yokota et Hayama qui avait lieu un quart d'heure après, mais à l'autre bout du salon donc je suis parti avant la fin mais finalement pour pas grand-chose, étant donné que la session a commencé très en retard et de toute manière, cela s'est résumé à un joli battle drawing entre les deux animateurs, avec un dessin de Kamen Rider et un dessin de Seiyar. 

 

 

M. Yokota a l'habitude de choisir ses projets en fonction des personnes qui y participent sans s'occuper du titre sur lequel ils vont travailler, et un de ses grands regrets est de n'avoir jamais collaborer avec Shingo Araki, le character designer de Saint Seiya.

 

Le côté sympathique à la fin de la séance a été de faire gagner les dessins au public à coup de Jan Ken Pon, où tout le monde a joué le jeu.

 

 

En fait, les deux animateurs sont intervenus le mardi après Japan Expo à la maison Wa pour un après midi de discussion et de dessin avec un public en petit comité organisé par Ake no Tsuru. L'entrée était libre mais il fallait s'inscrire et le but était de récolter quelques fonds pour Fukushima. 

 

 

 

M. Yokota a parlé de ses actions en faveur de la région de Fukushima, où il est intervenu sur place avant de plus se focaliser sur le festival local centré sur les samouraïs, Soma Nomaoi, et de mobiliser les artistes pour composer une nouvelle exposition de samouraïs chaque année et écouler après le catalogue. Il avait initialement l'idée de mener le projet pendant dix ans et de conclure pour les jeux olympiques de Tôkyô mais avec la pandémie, des années ont sauté et l'échéance a été repoussée.

 

 

M. Hayama a entamé son intervention directement avec des dessins avec ses stylos pinceaux. Il partagent ses esquisses sur internet depuis plusieurs années et il a continué pendant son séjour en France. Il a découvert les stylos pinceaux pendant Anime Expo, où il a pris ce qui était disponible sur place pour dessiner. Depuis, ils les utilisent ces ustensiles qui permettent d'avoir un effet de pinceaux sans avoir l'inconvénient de devoir les mouiller ou manipuler les couleurs à part.

 

 

En fait, il n'y avait que trois couleurs au départ, le noir, gris et un orange, et l'animateur commençait à trouver ses dessins monotones. Il a été très heureux lorsque le fabricants a sorti une palette complète et il a commencé à appliquer les vrais couleurs et à tout colorier. Il est vite revenu en arrière en constatant que ses compositions manquaient de contraste et d'impacts. Il varie les couleurs mais n'en utilise qu'une pognée à la fois. M. Hayama a aussi montré quelques combinaisons qu'il utilise régulièrement pour positionner ses personnages.

 

Mardi c'était le pic de la canicule sur Paris mais je ne regrette pas d'avoir fait le déplacement. Il est courant de voir invités mangakas des éditeurs effectuer des séances de dédicaces en marge de Japan Expo le soir sur Paris ou bien plus tôt, avant que le festival ne commence. C'est plus rare de pouvoir approcher les autres invités en dehors du salon. 

 

 

Pour revenir à Japan Expo, je conclus cet article par un aperçu du programme de la scène culture traditionnelle, avec le groupe Akara, au son rock mais avec du koto et flûte.

 

 

 

La chanteuse Serikana est aussi passée sur la scène pour interpréter quelques uns de ses titres mais elle a également tenue à jouer une partie de karuta sur scène.

 

 

 

Si vous lisez le manga Chihayafuru, vous connaissez le karuta de compétition. Le jeu en lui-même consiste à s'emparer de cartes au sol qui sont la deuxième moitié d'un poème lu parmi une centaine possibles par un récitant. Quand la personne lit le début d'un poème, les joueurs en déduisent la carte à prendre et s'en s'empare le plus vite possible. Le jeu devient un véritable sport lorsque les joueurs réagissent au quart de tour dès les premières syllabes lues. Il s'en suit des tournois officiels et des rangs certifiés au Japon. Il se trouve que Serikana est une joueuse de rang A, le niveau global le plus élevé – les débutants commençant au rang D. 

 

Nous avons pu assister à une partie de karuta sur la scène Sakura.