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Salon du Livre 2013 Chapitre Deux – Fuyumi Soryo, Takehiko Inoue

Par le :: Manifestations

paris , 2013

Je poursuis mon compte rendu du Salon du Livre 2013 avec les synthèses de deux conférences, qui ont suivi celle avec Hikaru Nakamura.

Fuyumi Soryo et Motoaki Hara

Salon du Livre 2013

Ki-oon a sorti les deux premiers tomes du manga Cesare en France, le 21 mars 2013. Leur récit retrace la vie de Cesare Borgia, le fils du pape Alexandre VI, dans l'Italie morcelée du XVIème siècle.

A l'occasion du Salon du Livre, l'auteure  Fuyumi Soryo était invitée ainsi que le superviseur historique de la série, Motoaki Hara. Sur le stand Ki-oon, ils avaient plusieurs séances de dédicaces pendant le week-end prolongé.

Samedi après midi, ils ont participé tous les deux à la conférence animée par Rémi "BoDoï", qui a d'abord posé une batterie de questions, avant que la mangaka se concentre sur un dessin de Cesare et que le public puisse poser quelques questions.

Salon du Livre 2013

Fuyumi Soryo a plutôt un parcours dans le shôjô manga, avant qu'elle ne fasse son premier le seinen qu'est  et  Cesare est un de ses rares seinen. En fait, elle a toujours souhaité faire du seinen mais quand elle a débuté sa carrière, elle ne pouvait travailler que dans des magazines shônen ou shôjô. Ses éditeurs l'ont plutôt conduite vers le shôjô, qui est devenu son terrain de travail.

Étudiante en beaux arts, elle était intéressée par tout ce qui touche à la Renaissance mais elle ne se voyait aborder cette période dans du shôjô manga.

Cesare a pris forme quand  Fuyumi Soryo a commencé à préparer un projet sur la vie de Léonard de Vinci il y a maintenant dix ans. Produire la biographie du génie italien manquait d'originalité, à la vue des multiples ouvrages qui existaient déjà mais pendant ses recherches, elle a découvert Cesare Borgia, l'un des employeurs de De Vinci.

Le duc italien reste très énigmatique, avec des écrits d'époque contradictoires, qui le décrivent tantôt en bien ou en mal, suivant les témoignages. Pour mieux cerner le personnage, mais aussi les enjeux politiques pendant cette période, la mangaka a eu besoin d'aide et son éditeur l'a dirigée vers Motoaki Hara, un professeur spécialisé dans les écrits de Machiavel, l'un des contemporains de Cesare.

Encore étudiant, Motoaki Hara avait effectué des recherches sur la Divine Comédie de Dante et pour s'exercer à analyser de longue histoire, il avait utilisé des mangas comme terrain d'essai. Des années après, il retrouve l'univers des mangas via sa collaboration avec Fuyumi Soryo. Son travail consiste à retrouver le maximum d'éléments historiques pour situer les faits historiques.

Salon du Livre 2013

La mangaka va cependant au delà et essaie d'aboutir à un véritable profiling psychologique de ses personnages. Pour Cesare, alors qu'elle arrive au tome 10 de la série, elle pense être arrivée à un portrait définitif, même si des détails restent encore très ambigus. Des documents souligne la bonne entente de Cesare avec son frère, alors que d'autres l'accuse de l'avoir fait assassiner. Pour chaque question de ce genre, la quête de documents historiques et leur analyse pour peser le pour et le contre peuvent prendre du temps et mettre en péril les délais de publication.

D'un autre côté, le but de Fuyumi Soryo est avant tout de divertir le lecteur, en communiquant des émotions et en soignant sa mise en scène. Elle a rajouté volontairement des éléments inventés pour mettre en lumière des traits de caractère de Cesare, et elle jongle avec le strict respect de la réalité historique, en compilant les informations pour obtenir, entre autres, un aperçu de la Chapelle Sixtine, avant le chamboulement apporté par Michel Ange. Elle s'appuie également sur des représentations de l'époque, même si encore une fois, elle fait appel à son imagination quand il faut dépeindre Cesare à 16 ans par exemple.

Au fil de son travail d'expertise pour le manga, Motoaki Hara a vu sa vision évoluer devant les multiples questions posées par la mangaka. Au delà des événements qui se sont passé au sommet du pouvoir, il a du s'intéresser à des éléments de la vie quotidienne, que Fuyumi Soryo traitait aussi dans les tomes de Cesare.

Le portrait qu'il livre finalement de Cesare au fil du récit est assez loin du personnage tel qu'il est perçu classiquement par les autres historiens et cela lui a valu quelques critiques.

Pour finir, Fuyumi Soryo a indiqué qu'elle avait suivi quelques épisodes de la série américaine Borgia, mais sans s'étendre sur une éventuelle influence ou un avis critique.

Salon du Livre 2013

La direction "imposée" des débats a sans doute procuré plus d'espace à Motoaki Hara que s'il n'y avait eu que des questions du public plus destinées à Fuyumi Soryo. En revanche, j'ai été étonné par certains enchaînements alors que nous sentions le mouvement s'accélérer pour combler le retard pris au début. Alors que Fuyumi Soryo expliquait la genèse du projet Cesare et naturellement comment et pourquoi elle avait été amenée à contacter Motoaki Hara, l'animateur a poursuivi reposant la même question tout de go sur pourquoi elle avait demandé l'aide d'un historien. Cela a permis de compléter un peu la réponse mais cela faisait comme s'il n'avait pas suivi.

Plus gênant, une question sur la vulgarisation de l'enseignement de l'Histoire via les mangas a fait un flop, et ceux à deux reprises, car même reposée à  Motoaki Hara après avoir été soumise à Fuyumi Soryo, la réponse a été au mieux que "non je ne pense pas que le manga soit un support approprié", mais sans plus. J'ai senti qu'il y avait un gap entre les invités et les questions sensées ouvrir un débat mais sans doute trop métaphysiques  "compliquées" dans ce contexte.  

Takehiko Inoue

Salon du Livre 2013

Le célèbre auteur de Slam Dunk et de Vagabond était l'invité manga le plus en vue au salon. Nul doute que beaucoup ont fait le déplacement de loin pour venir le voir, alors que c'était son premier séjour à Paris. Il a eu deux sessions de dédicaces, une le vendredi soir et l'autre le samedi dans l'espace consacré au stand Delcourt/Tonkam/Soleil en même temps que d'autres auteurs. Philippe Cardona a ainsi pu dédicacer à ses côtés. Pour l'essentiel, Takehiko Inoue enchaînait uniquement des signatures mais quelques chanceux au tirage au sort – ou bien qui ont dévalisé les stocks de mangas chez Tonkam pour augmenter leur chance - ont eu droit aussi à des dessins.

La conférence a eu lieu samedi en fin d'après midi, animée par Sébastien de Mangavore, qui a posé ses questions avant de passer la main au public à la fin de la rencontre.

Depuis tout petit, Takehiko Inoue a nourri une passion pour le dessin et se voyait en faire son métier sous une forme ou une autre. Arrivé au lycée, il a du exprimer plus en détails son choix et a finalement opter pour le métier de mangaka, qui lui semblait le plus réaliste par rapport à ses capacités. Il a été assistant de Tsukasa Hôjô et à une personne du public qui lui a demandé s'il avait influencé City Hunter, il a répondu en plaisantant qu'il était plus un fardeau qu'une aide.

C'est aussi au lycée qu'est née sa passion pour le basket. Il s'est d'abord inscrit au hasard parce qu'il fallait obligatoirement faire une activité mais après il y a pris goût. A cette époque, il se voyait faire que du manga de basket et c'est logiquement qu'il a donc abouti à une série comme Slam Dunk.

Avant, il y a eu cependant d'autres histoires de basket et dans l'une d'elle, Takehiko Inoue avait déjà conçu le personnage Kaede Rukawa dans Kaede Purple en 1988. Il a voulu reprendre le joueur dans Slam Dunk en 1990 mais sans en faire le protagoniste central. Il a composé le héros de la série en pensant à un portrait diamétralement opposé, qui a donné naissance à Hanamichi Sakuragi.

Le mangaka ne s'attendait pas à un tel succès pour Slam Dunk et s'est dit très touché par les fans qu'il a pu croisés en France.

De la période de six années de travail au Weekly Shônen Jump, qu'il a rejoint pratiquement à ses débuts à 23 ans, il retient le travail énorme qu'il a du fournir mais aussi l'éclatement de son style pendant cette période, et ses énormes progrès.

Salon du Livre 2013

Après Slam Dunk, il a cherché à travailler sur une histoire différente, avec une ambiance sombre alors que le manga de basket avait plutôt une atmosphère plutôt légère. Par hasard, quelqu'un l'a conduit à Miyamoto Musashi, qui correspondait à ce qu'il cherchait et qu'il a adopté pour produire son manga Vagabond.

L'auteur est le premier à représenter Sasaki Kojirô, le rival de Miyamoto Musashi, comme étant sourd, alors qu'il n'y aucune réalité historique derrière. En fait,  Takehiko Inoue a réfléchi à ce qui pouvait rendre Sasaki Kojirô exceptionnellement fort et il a pensé à la surdité pour expliquer logiquement son extraordinaire pouvoir de concentration et de détachement par rapport à son environnement autour de lui.

Vagabond aborde des thèmes qui vont au delà des simples duels au sabre, telle que l'harmonie avec la nature. Au début, le mangaka pensait livrer un récit qui tiendrait en peu de tomes et durer au maximum deux ans. C'était en 1998 et nous sommes en 2013 et la série n'est pas terminée.

Au fil des dessins, des sujets se sont rajoutés et il est devenu impossible de conclure le récit comme il l'entendait. De manière générale, Takehiko Inoue se laisse porter par son élan et lorsqu'on lui demande pourquoi il tient à créer des héros qui font preuve d'acharnement, il répond qu'il ne cherche pas spécialement à leur inculquer ce trait de caractère mais qu'il le leur donne finalement inconsciemment sous sa plume.

La remarque prévaut aussi pour les annotations qu'il place dans ses textes. Celles-ci arrivent au moment où il produit vraiment le chapitre et ne sont pas préméditées longtemps à l'avance.

Une personne du public a souligné l'opposition de style entre Vagabond et ses titres de basket, où dans l'un les personnages s'améliorent seuls tandis que dans les autres, ils avancent ensemble. Takehiko Inoue a donné la réponse logique en indiquant que le samouraï est seul avec son sabre, tandis que les joueurs d'une équipe doivent gagner ensemble. Il a aussi précisé que son héros dans Vagabond commence à demander l'aide des autres dans le dernier tome en date, et que les joueurs de basket sont rivaux et s'entraînent aussi seuls avant, certes, de laisser leurs différents aux vestiaires quand ils jouent un match sur le terrain.

Salon du Livre 2013

Une des particularités de Vagabond est le changement d'ustensile de dessin à partir du tome 14. Comme beaucoup de mangaka,  Takehiko Inoue utilisait des feutres spéciaux mais plus il avançait, plus il trouvait une certaines dureté dans ses outils, qui se reflétait dans ses créations. Il a alors opté pour le pinceau et a définitivement une méthode proche de la calligraphie, après des essais concluants.

Le pinceau lui offre plus de souplesse dans la largeur et les types de traits, et aussi un moindre contrôle sur la précision de son travail, ce qui lui convient parfaitement et l'affranchit de la minutie dans ses dessins.

De manière générale, sa semaine de travail commence par une réunion, où son éditeur lui fat un retour des lecteurs pour effectuer une analyse des points forts et des points faibles des chapitres déjà publiés. Ils se mettent d'accord sur le gros du contenu du chapitre suivant et après, le mangaka peut travailler sur le storyboard et les crayonnés avec ses quatre assistants. Inoue se charge principalement des personnages.

Au fil des corrections, le résultat s'éloigne souvent de ce qui a été décidé pendant la réunion éditoriale mais il est alors trop tard pour rectifier le tir ou pour en rediscuter. Il leur reste en effet moins de la moitié de la semaine pour finaliser le travail, avec des horaires tendus pour respecter les délais.

Dans les années 2000, Takehiko Inoue a renoué aussi avec un manga sur le basket mais version handisport cette fois-ci. L'idée lui est venue par hasard tout simplement en regardant un reportage à la télévision, qui a conduit à la production de Real.

Sur les autres mangas à succès sur le basket, tel que Kuroko's Basketball, il n'avait rien à dire, déjà parce qu'il n'a pas le temps de les suivre et il a rappelé qu'il n'y avait peu de relations entre les mangaka et que personne n'était venu lui demander des conseils sur le sujet quand on lui a posé la question pendant la conférence.

Salon du Livre 2013

Il a eu aussi une brève expérience de manga sur le football via sa participation à un recueil pour la coupe du monde en 2002. Il a juste indiqué qu'il suivait de temps en temps les matches de l'équipe nationale mais pas de nouveaux dessus.

En 2008, le mangaka avait monter une exposition, intitulée The LAST Manga Exhibition, principalement axé sur Vagabond. Il n'a pas indiqué qu'il y en aurait une nouvelle, même s'il avait beaucoup aimé l'expérience mais la préparation a été un travail titanesque.

Enfin, quant à un retour des personnages de Slam Dunk d'une manière ou d'une autre, il n'a pas de réponse à apporter. Il veut éviter de se mettre la pression si jamais il l'annonce à l'avance et il ne veut pas s'interdire un projet s'il commence à tirer définitivement un trait dessus. L'essentiel est qu'il ait le temps et l'envie, mais dans tous les cas, les personnages sont toujours là dans son coeur.

De manière générale, de ce que nous avons pu voir pendant le salon, Takehiko Inoue est plus communicatif et ouvert que la moyenne des auteurs. Samedi soir, il avait cependant un peu les traits tirés par la fatigue et cela a été une bonne idée d'avoir arbitrer en faveur d'un échange plus long avec le public plutôt que pour le dessin, que le mangaka ne pensait pas pouvoir exécuter tout en répondant aux questions, comme avait pu le faire Hikaru Nakamura.

Salon du Livre 2013

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Voir aussi

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Commentaires sur ce billet:

  1. Le 25/03/2013 à 10:13
    a-yin a dit

    Je suis désolée de faire l'emmerdeuse mais je vais le faire... Cesare n'est pas le premier seinen de Soryo, il s'agit de ES Eternal Sabbath, sorti chez Glénat au milieu des années 2000.

    Merci pour ce compte rendu :) !!! Pour ma part, un peu déçue par ces deux conférences. La meilleure de la journée fut, de manière inattendue, celle sur Li Kunwu, l'auteur d'Une vie Chinoise et des Pieds Bandés chez Kana. Le conférencier avait lu, étudié, analysé le style de l'auteur, alors que je m'attendais plutôt à une rencontre bateau...

  2. Le 25/03/2013 à 17:13
    Pazu a dit

    @a-yin C'est corrigé. J'ai bien "seinen" devant "ES" dans la liste utilisée pour recouper avec mes notes mais j'avais mal lu.
    Vas-y, ponds-nous donc un compte rendu sur Li Kunwu :oP

  3. Le 25/03/2013 à 18:09
    a-yin a dit

    Ah mais je n'ai pris aucune photo et puis ... rien noté ^^; !!! J'ai du mal à bien m'exprimer à l'écrit pour courronner le truc quoi. Merci pour cette correction, et pour tous tes CR :) !

  4. Le 26/03/2013 à 23:34
    a-yin a dit

    A propos de Li Kunwu, il s'agissait, pour Une vie chinoise, d'une conférence déjà donnée en 2011 à Blois. Mais elle était très intéressante.
    Un résumé:
    http://www.cndp.fr/planete-chinois/lectures/titre-de-larticle/article/atelier-bd-aux-rendez-vous-de-lhistoire-de-blois.html
    Un support:
    http://www.youscribe.com/catalogue/ressources-pedagogiques/education/cours/joel-dubos-cristhine-lecureux-1709977
    La nouveauté était l'analyse graphique des Pieds bandés.

  5. Le 30/03/2013 à 13:13
    Bidib a dit

    Nous n'avons pas le même resenti sur les deux conférences. Il est vrais que, lors de la rencontre avec Fuyumi Soryo et Motoaki Hara, certaones question ont été répété plusieurs fois... Normal, la première fois l'auteur à répondu à côté de la plaque. La deuxième aussi d'ailleurs. Ce qu'elle disait n'était pas inintéressant mais ne répondais pas à la question. Le dialogue était un peu étrange, je me pose des questions quant à la qualité de l'interpréte.

    En revanche, la rencontre avec Inoue m'a, personnellement, assez déçue. Les questions... je les ai même pas retenues. Le tout était trop "on est des fan" et les questions du public franchement pas intéressantes pour ne pas dire pire. J'ai bien ris quand on lui a demandé s'il avit influencé City Hunter...

    Comme quoi, on peut assister à la même conférence et en resortir avec des impressions assez différentes. En lisant ton compte rendu, ça semble mieux que ce que j'en ai pensé sur le coup.

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