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Planète manga - Conférence de Fumiyo Kôno

Par le :: Manifestations

1995 , mangas , 2009 , osamu_tezuka

Au lendemain de la rencontre avec Keiko Takemiya, une autre conférence s'est déroulée le dimanche soir, avec Fumiyo Kôno, une mangaka plus connue en France, grâce à ses quelques titres publiées chez Glénat et chez Kana: Koko (Kokko-san) à destination des jeunes lecteurs, mais aussi Une longue route (Nagai Michi), Pour Sanpei (San-san rokku) et surtout le Pays des cerisiers (Yûnagi no Machi, Sakura no Kuni), qui traitent de thèmes plus adultes.

La rencontre se déroulait à nouveau dans la salle Cinéma 1, où Fumiyo Kôno était accompagnée sur l'estrade par Ilan Nguyên pour la traduction et par Boris Tissot, qui guidait l'entretien. Pas d'ordinateur cette fois-ci mais une caméra était pointée à la verticale sur une table à côté, où des extraits de planches et de livres pouvaient être montrés et projetés sur grand écran.

Fumiyo Kono

De manière classique, l'entrevue a commencé avec les premiers pas de Fumiyo Kôno dans le monde du dessin, où pendant son enfance, elle recyclait les prospectus reçus à la maison en crayonnant au dos. Ses parents avaient une attitude plutôt stricte vis-à-vis des mangas et ils refusaient d'en avoir chez eux. Du coup,  Fumiyo Kôno a plutôt eu tendance à croquer ses propres histoires pour avoir ses bandes dessinées.

Plus tard, elle a pu avoir accès aux collections de ses amis et vous trouviez quelques titres connus parmi ses lectures : Candy Candy ou Captain Harlock par exemple. Elle a commencé à apprendre quelques notions fondamentales via ces mangas, et elle a reconnu par ailleurs avoir beaucoup aimé des auteurs tels qu'Osamu Tezuka ou Fujiko Fujio.

Elle a commencé à montrer ses créations dès le collège, mais son passage professionnel ne s'est pas fait dès la fin de ses études. Fumiyo Kôno était encore  fleuriste quand elle a été lancée et son responsable éditorial lui avait d'ailleurs recommandée  de construire une histoire qui se déroulait dans le commerce des fleurs. C'est ainsi qu'elle a dessiné son premier titre, Machikado Hana Da Yori, en 1995, un récit qui relate le parcours d'une jeune femme de 23 ans, qui découvre le métier de fleuriste.

Fumiyo Kono

Après cette introduction, Boris Tissot est tout de suite passé au Pays des cerisiers, qui est le premier manga de l'auteur à traiter de la bombe atomique à Hiroshima, ou du moins de ses effets.  Fumiyo Kôno est originaire de cette préfecture, mais jusqu'alors, elle ne s'était jamais sentie investie d'une quelconque mission pour sortir un manga sur le sujet.

Le sujet proposé par la ville a été l'opportunité pour elle de relever le défi en tant que mangaka. Ne connaissant pas de victimes dans son entourage proche, l'essentiel du contenu découle de ses recherches documentaires.

Elle s'est non seulement attachée à décrire les désastres physiques de la bombe mais aussi ses impacts psychologiques sur les populations locales et ses conséquences sur plusieurs générations, victimes des préjugées et des discriminations.

Quand on lui suggère un parallèle avec la situation de Fukushima, elle acquiesce que les habitants subissent une forme de discrimination mais elle se montre très prudente en arguant que le problème provient surtout du manque d'information à l'heure actuelle, tandis que pour la bombe, les discriminations étaient de types multiples.

Fumiyo Kono

En visionnant un dessin, Boris Tissot a relevé la manifestation de la vie au milieu d'un paysage morbide. A ce sujet, Fumiyo Kôno a expliqué sa pensée : D'une part, pour pouvoir traiter de la mort, il faut mettre en balance tout ce qu'elle nous enlève pour montrer son impact, et il est donc nécessaire de dépeindre des scènes de vie, par opposition.

D'autre part, quelque que soit le récit, la mangaka suit souvent le même schéma pour ses personnages, à savoir qu'ils commencent par être meurtris, puis ils empruntent un parcours qui aboutit à leur renaissance, à un nouveau départ.

Elle suit ainsi ce cheminement dans Pour Sanpei, où l'épouse disparue constraste avec la moderne Mlle Senkawa, qui incarne le renouveau pour l'homme qui se reconstruit. C'est aussi ce point de vue qu'elle adopte dans Kono Sekai no Katasumi ni, où les protagonistes reforment une famille, remplis d'espoirs.

Fumiyo Kono

Kono Sekai no Katasumi ni, qui a remporté le prix d'excellence du Japan Media Arts Festival en 2009, est le premier récit de Fumiyo Kôno qui se déroule pendant la guerre. Ses précédents travaux se déroulaient toujours au moins quelques années après.

Par rapport aux mangas, qu'elle a produits sur des thèmes plus légers, elle ne décèle pas de différences fondamentales avec les récits de conflits, car elle s'évertue à décrire la vie au quotidien. Son schéma narratif est ainsi le même, en commençant par décrire une journée de bout en bout. En revanche, pour elle, les histoires de guerre mettent plus de pression et exigent d'être exactes, sous peine de perdre la confiance des lecteurs.

Fumiyo Kono

A l'opposé, Fumiyo Kôno sait aussi parsemer ses récits de quelques pointes d'humour, en mettant en scène des situations incongrues ou même imaginaires, comme ce chapitre de Nagai Michi, où une poupée ancienne se transforme en robot domestique, un exemple qu'elle situe à mi-chemin de la comédie et de l'horreur bon enfant.

Même lorsqu'elle dessine une histoire en feuilleton, ses chapitres ne font que quelques pages et sont autant d'histoires indépendantes. Au milieu des autres récits dans le magazine de prépublication, elle considère que le lecteur va parcourir l'ensemble avec une certaine légèreté et ses propres histoires finissent par correspondre à cette attente.

Fumiyo Kono

Elle expérimente volontiers d'autres compositions et suite à une rencontre avec une animatrice dont elle garde un bon souvenir, elle a construit un chapitre, comme s'il s'agissait presque d'un dessin animé, image par image.

Nous sommes alors arrivés à ses productions les plus récentes et notamment à sa collaboration avec l'éditeur Heibonsha, qui a publié ses travaux directement sur internet. Cela a amené une question sur le rapport qu'entretenait Fumiyo Kôno avec les nouvelles technologies, forte de cette expérience, mais en fait, elle s'en tient plutôt éloigné, même dans le cadre de son travail quotidien.

Il s'agit avant tout d'une commande de l'éditeur qui se charge de la publication en ligne sur son propre site, de manière gratuite, faute de modèle économique viable pour l'instant. L'édition numérique se double d'une version sur papier, classique.

Fumiyo Kôno apprécie cependant la grande flexibilité qui réside dans le numérique, avec par exemple, la possibiliter de jongler entre les pages en couleurs et les planches en noir et blanc, sans se soucier des quotas.

Fumiyo Kono

Dans son projet en cours, elle adapte le Kojiki en bande dessinée et elle suit un rythme de publication quotidien, à raison d'une planche par jour sur le site web d'Heibonsha. Pendant son voyage en France, elle a interrompu sa production et la série est d'ailleurs en hiatus pour un mois.

Elle a rappelé que le Kojiki était le texte le plus ancien au Japon, qui compile toute une série de mythes concernant les origines du Japon et des ancêtres supposés de la famille impériale. Les historiens situent sa publication officielle il y a tout juste 1 300 ans et cet anniversaire a encouragé Fumiyo Kôno à se démarrer ce travail.

L'oeuvre originale est en Japonais ancien, donc difficile d'accès même pour les habitants nippons, et la mangaka s'est lancée dans une sorte de vulgarisation de ces textes, qu'elle apprécie. Elle relate les aventures des différents dieux, le plus souvent ponctuées d'actions, alors qu'elle était plus habituée aux scènes tranches de vie, jusqu'à présent.

Elle respecte cependant scrupuleusement le texte, en reprenant les chansons insérées, qu'elle a choisi de rendre en couleurs, pour les démarquer des autres planches.

A ce moment de la conférence,  Fumiyo Kôno s'est déplacée vers la table annexe, pour nous montrer les différentes étapes qu'elle suivait pour construire son manga. Elle travaille sans assistant, en avançant qu'elle n'a pas besoin de réfléchir au scénario, et qu'elle a pleinement le temps de se consacrer au dessin.

Fumiyo Kono

La première étape consiste à prendre le texte original et à délimiter chaque portion, qu'elle pense mettre dans une même case.

Fumiyo Kono

Elle les numérote puis elle reprend les numéros dans son plan de découpage par case.

Fumiyo Kono

Ensuite, elle débute un brouillon au crayon, en y insérant le texte. Pour éviter la moindre faute de frappe, elle photocopie carrément son manuscrit puis découpe les phrases qu'elle colle après sur sa feuille.

Fumiyo Kono

Après, elle retranscrit encore ses dessins plus en détails sur du papier quadrillé.

Fumiyo Kono

Enfin, en plaçant le tout sur sa table lumineuse, elle produit sa planche définitive, installée par dessus le reste, en travaillant par transparence.

Fumiyo Kono

Après ce mini-cours, Fumiyo Kôno a entamé sa dédicace publique en reprenant plusieurs personnages récurrents du  Kojiki. C'était également l'occasion de parler un peu de chacun d'entre eux.

Fumiyo Kono

D'abord Susanô, le dieu des océans et des tempêtes,  qui est chassé du ciel et qui se retrouve à Izumo, où il offre son assistance pour abattre le dragon Orochi en échange de la main de leur dernière fille, Kushinada. Les extraits montrés pendant la conférence correspondaient principalement à cet épisode.

Vient ensuite Ôkuninushi, qui est compétition avec ses frères pour épouser la princesse Yakami et qui se retrouve confronté à Susanô, qui le met plusieurs fois à l'épreuve.

Enfin,  la mangaka a dessiné Amaterasu, la soeur de Susanô et la divinité la plus puissante, en tant que déesse du soleil, qui domine les cieux.

Après la dédicace publique, nous sommes passés à une courte séance de questions réponses, dont j'ai déjà repris les quelques éléments, précédemment dans ce compte rendu.

Après une heure et demi, la discussion a pris fin mais la rencontre n'était pas terminée pour autant : A l'extérieur de la salle, des mangas en français de l'auteur étaient en vente et Fumiyo Kôno a fait une séance de dédicaces, qui a du prolonger sa présence au centre Pompidou d'au moins une demi heure, vue la petite queue qui s'était formée.

Fumiyo Kono

Au début de la conférence, j'ai eu l'impression que le contenu était moins directif que les précédents, même si les questions semblaient vouloir suivre la carrière de l'auteur. Cependant, le passage direct au manga Le Pays des cerisiers a semble-t-il cassé cette construction et nous sentions aussi un décalage pendant les quelques lectures de Boris Tissot, qui n'ont pas beaucoup suscité de discussions avec l'auteur.

Après, j'ai eu un peu de mal à suivre les références aux oeuvres suivantes, avant que ne soit abordé le Kojiki, même si je loue l'approche via les extraits, plutôt que via la biographie chronologique de Fumiyo Kôno.

Sinon, la dernière partie respirait une atmosphère très conviviale, avec une mangaka à son aise à sa table,  sans oublier la cerise sur le gâteau qu'a été la séance de dédicaces.

Fumiyo Kono

Pour conclure, je vous renvoie à quelques liens:
- Le site Heibonsha, où sont reprises les planches du Kojiki de Mme Kôno (JP)
- Une interview donnée par  Fumiyo Kôno à Jmanga (ENG)
- Le récit simplifié des 8 chapitres du Kojiki (FR)

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Commentaires sur ce billet:

  1. Le 14/03/2012 à 08:01
    Dans Le Monde du manga #18 | BoDoï, explorateur de..., il a été dit

    [...] japonaise durant les années 1930-1950, celle donnée par Moto Hagio, celle de Keiko Takemiya et celle de Fumiyo Kouno (Une longue route, Pour Sanpei [...]

  2. Le 27/09/2013 à 15:16
    Dans Le Monde du manga #18 | BoDoï, explorateur de..., il a été dit

    [...] japonaise durant les années 1930-1950, celle donnée par Moto Hagio, celle de Keiko Takemiya et celle de Fumiyo Kouno (Une longue route, Pour Sanpei [...]

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