Le cru 2024 d'invités présentait un beau panel de mangakas nippons dont plusieurs ont participé à des conférences. Certes, celles-ci étaient plutôt unique pour chaque auteur, alors que Yuji Kaida a été en conférence à deux reprises pour parler de ses illustrations kaiju. Alan Davis, l'invité d'honneur comics, est aussi venu sur la scène Kuri à deux reprises mais sa session du vendredi soir était plutôt tristounette avec un live drawing silencieux devant des sièges quasiment vides.
Le jeudi, nous eu droit à la conférence de Yui Kikuta, la mangaka de Bibliophile Princess et qui a été en fait uniquement présente sur le festival ce jour-là, de ce que j'ai compris. Comme beaucoup, elle a aimé les mangas dans son enfance mais son passage dans le milieu professionnel a été plus tardif que d'ordinaire car elle a décroché son premier contrat vers 22/23 ans.
Son éditeur l'a approché pour l'adaptation en manga du light novel Bibliophile Princess et l'autrice originale Yui a beaucoup apprécié son portfolio. Les deux personnes travaillent par éditeurs interposés mais de manière harmonieuse.
Quand le roman d'origine est trop verbeux, la mangaka propose une narration plus fluide avec l'aval de l'autrice et il a été rare qu'elle ait eu à faire des corrections. Le plus difficile dans l'adaptation a été de mettre en place une histoire dans l'ordre chronologique des événements. Le récit original multiplie les analepses, qu'elle a refusé de transposer telles quelles pour éviter de perdre les lecteurs du manga.
Les personnages ont été designés par Satsuki Shiina qui a illustré le light novel mais Yui Kikuta se les est appropriés notamment en modifiant plusieurs aspects, que ce soit la couleur des cheveux, quelques détails dans leurs coiffures ou même leurs tailles.
Elle dessine à la tablette mais elle ne considère pas gagner beaucoup de temps par rapport à la méthode traditionnelle. Elle retient surtout que le numérique permet de produire des couleurs plus percutantes.
Une autre mangaka qui a tenu une conférence à laquelle j'ai pu assister est Fe, l'autrice Love of Kill. Elle était sur scène avec sa tantô qui répondait aux questions préparées à l'avance, tandis que l'autrice dessinait.
Fe rêvait depuis l'enfance de devenir mangaka et a toujours été une grosse consommatrice de manga. Son père achetait régulièrement le Shônen Jump qu'elle a commencé à lire dès la maternelle et une fois au collège, elle a pris l'habitude d'aller chaque semaine dans les combini pour être sûr de l'avoir.
Elle a d'abord publié ses travaux sur Pixiv, où elle s'est fait remarquer par des éditeurs qui recherchaient de nouveaux talents via cette plateforme en 2015.
Elle se dit avoir influencée par le style de dessins des Clamp, notamment de RG Veda. Pour Love of Kill, elle a tiré une partie de son inspiration de Destro 246 qui relate le destin de deux jeunes tueuses à gage. Sa première ébauche de Love of Kill sur Pixiv s'est focalisé sur la scène de rencontre de Chateau avec Ryang-ha, un personnage qu'elle a imaginé avec des yeux de renard.
La sortie de publication des chapitres du manga s'est faite sur un rythme mensuel avec les deux premières semaines consacrées à l'histoire et au storyboard, tandis que la fin du mois était réservé aux dessins. En devenant mangaka professionnelle, Fe a du se plier aux délais – notamment pour aboutir à des storyboards finalisés à temps – mais aussi penser aux fans pour éviter de faire avancer l'histoire en oubliant les lecteurs. Sa tantô a loué le juste équilibre qui a été trouvé pour à la fois satisfaire les fans tout en conservant une belle originalité, et a mentionné l'implication de Fe pour proposer notamment des idées de goodies. Elle a également évoqué la qualité et la minutie du découpage des planches du manga qui enjolive la mise en scène, digne de celle d'un film.
À part peut-être Takuya Wada, plutôt venu pour ses talents d'experts en effets spéciaux, il n'y avait pas d'animateurs japonais à l'honneur cette année mais notez les passages de deux seiyû de renom : Natsuki Hanae, la voix de Tanjirô Kamado dans Demon Slayer et Saori Hayami, qui fait Yor Forger dans Spy x Family, entre autres.
Leurs interventions étaient beaucoup plus restreintes que celles d'Aya Hirano en 2019 mais ils avaient au moins le mérite de passer quelques instants sur scène. La mauvaise surprise pour Saori Hayami a été d'intervenir juste avant la projection en soirée du film Spy × Family Code: White mais qui a été diffusé en version française pour des problème d'autorisation a priori. C'est étonnant, vu que le film est déjà sorti en salles chez nous. Au moins, la seiyû a pu revenir quelques instants pendant la conférence en journée, consacrée à l'actualité de Crunchyroll.
Avant de clôturer cette série d'articles sur Japan Expo 2024, voici quelques mots sur la partie culture et tradition du festival. Le pôle des arts martiaux est exilé dans le Hall 5 de l'autre côté du jardin intérieur par rapport aux stands traditions mais il a trouvé sa place avec un flux de visiteurs conséquents pour regarder ou participer aux démonstrations alors que ce n'était pas toujours le cas à d'autres emplacements dans le passé. La bonne idée a été aussi d'inviter la troupe de Samourai Kamui à effectuer ses séances d'initiation au sabre dans cet espace.
Un autre espace que j'observe plus attentivement est la zone Wabi Sabi des artisans japonais. L'absence d'affichage du programme des prestations sur la petite scène est toujours dommage mais cela reste toujours une occasion au passage d'assister à des performances prévues par ailleurs sur la scènes tradition Sakura voir parfois la grande salle Ichigo. Cela pose d'ailleurs quelques défis logistiques lorsque la troupe atteint la vingtaine de danseurs et danseuses, alors que le champ d'action est étroit.
Je note aussi l'absence cette année de la micro scène réservée aux démonstrations des artisans. Elle avait l'avantage d'avoir un programme publique, visible sur un écran mais j'imagine que l'effort d'organisation et de préparation étaient titanesque alors qu'il n'y avait qu'une poignée de sièges prévus. Il y avait énormément de traduction à faire à chaque fois, que ce soit pendant la démonstration lorsque l'artisan parlait ou bien pour préparer les supports visuels projetés en français sur les écrans.
Enfin, la scène Sakura accueillait différents spectacles. Nous notons les artistes qui reviennent d'une année sur l'autre, même s'ils font l'effort de présenter de nouvelles prestations mais c'est aussi bien de voir de nouveaux intervenants pour montrer un minium de renouvellements.