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Après une vue d'ensemble de Japan Expo 2024, je poursuis avec un focus sur les kaiju et le film Ring, qui étaient mis à l'honneur pendant cette édition.

 

2024 marque les 70 ans de Godzilla, un beau thème pour une exposition placée au sein du salon du salon qui est revenue sur les différents films et les divers monstres inventés de 1954 à nos jours. Il y avait beaucoup de contenu et pour une fois, il était autorisé de prendre des photos.

 

 

L'exposition comportait plusieurs reproductions grand format d'illustrations produites par Yuji Kaida, l'un des invités du festival et illustrateur de kaiju. Il était venu en 2022 mais il a été bien mis en avant cette année et vous pouvez noter qu'un artbook avec une sélection d'illustrations était aussi disponible chez Isan Manga à cette occasion. 

Yuji Kaida a participé à deux conférences, dont une où il a peint à l'aquarelle une scène avec Godzilla.

 

 

Il aime les kaiju depuis son enfance et a intégré un club spécialisé dedans à l'université, où il se chargeait des dessins. Ses camarades ayant fait des carrières dans le show business et les médias, ont continué à le solliciter et il a pu commencer à vivre de ses illustrations, en enchaînant les couvertures de disques vinyl ou les affiches.

 

Les œuvres de commandes le contraignent de rester proche de la vision d'origine cinéma mais cela stimule son imagination et peut créer des tableaux originaux et flamboyant, sans pour autant préférer l'un ou l'autre des deux exercices. 

 

 

Au fil des années, il s'est adapté aux différents design de Godzilla sans que cela soit un fardeau et trouve au contraire que cela traduit des caractéristiques originales voulues par les réalisateurs qui se sont succédé en privilégiant tantôt l'aspect massif du monstre ou son côté effrayant.

 

Au niveau technique, il s'est aussi mis aux technologies numériques pour faire ses illustrations. Il reconnaît la facilité pour effectuer des corrections mais retient tout simplement les limitations physiques de la méthode traditionnelle : la peinture a besoin de sécher et cela peut être pénalisant quand les délais sont courts, et le transport d'une toile peut s'avérer fatal. En revanche, l'essence même d'une œuvre reste l'image qu'il s'en fait avant de peindre donc son style est resté identique, même en passant au tout numérique.

 

 

En fait, il a plus de mal pour travailler avec les jeunes sbires des maisons d'édition. Autant les anciens partagent un fond de culture commun avec lui, autant cela peut devenir compliqué avec les jeunes générations. Son anecdote est quasiment caricaturale : Il devait faire une illustration du croiseur Yamato et avait choisi de composer une scène où les canons des tourelles étaient tournés. Son jeune interlocuteur en charge de valider sa composition – vu qu'il s'agissait d'une commande – refusait de le faire car ses visuels représentaient toujours le croiseur avec ces canons dans le prolongement de la coque et ignoraient qu'ils pouvaient tourner. 

 

 

L'illustrateur distingue deux types de films de Godzilla, ceux à connotation dramatique et ceux plus destinés au divertissement, en incluant dedans les long métrages hollywoodiens de la franchise. En ce sens, il s'est dit ravi du retour aux sources de Godzilla Minus One et également du public international, notamment américain, qui s'intéresse aux kaiju, au-delà de la distraction. 

 

Un autre invité de marque était Shinji Higuchi, un ancien du studio Gainax et co-réalisateur du film Shin Godzilla projeté le jeudi soir à Japan Expo. 

 

 

Lui aussi aime les kaiju depuis son enfance et se souvient avoir eu une collection de jouets bâtie petit à petit grâce aux cadeaux de ses grands parents. Malheureusement pour lui, ses parents ont décidé un jour qu'il était devenu trop grand pour ça et se sont débarrassés de ses jouets. Depuis cette époque, il reconstitue sa collection en passant par des sites aux enchères. 

 

Pendant sa scolarité, il a du refouler sa passion pour les kaiju et a fini par s'intéresser à tous les sujets qui pouvaient soit s'en rapprocher comme les poissons en eaux profondes ou bien les différents châteaux qui étaient successivement détruits dans les films de Godzilla.

 

Avec le recul, il s'est dit plus attiré par le côté destruction des films, plus que par les monstres eux-mêmes. Il a été très impressionné par les travaux de Teruyoshi Nakano, l'un des maîtres des effets spéciaux dans les productions de tokusatsu. Lui-même a commencé en tant qu'assistant dans les années 80, en faisant partie de la nouvelle génération pour renouveler les équipes des années 70 et embauchée en n'étant pas trop maladroit avec les maquettes.

 

 

Sur Shin Godzilla, Shinji Higuchi est revenu sur le choix avec son comparse Hideaki Anno de filmer à travers les smartphones tenus par les acteurs et d'utiliser une caméra moins sensible que la normale. Il a loué la qualité des images capturées par les iPhone et a mentionné que Hideaki Anno avait vécu une bonne expérience dans des tournages avec des caméras en 8 mm. Ils ont voulu obtenir des images plus réalistes.

 

À l'opposé, le réalisateur aurait voulu aller plus loin dans les transformations de Godzilla, même à le faire voler mais la Toho a posé son veto pour éviter de dénaturer le monstre.

 

Des effets spéciaux, il est était aussi question dans la conférence autour du film Ring, avec Inô Rie, l'actrice qui joue Sadako et Takuya Wada, justement en charge de ces effets.

 

Takuya Wada travaillait aux Etats Unis quand il a été approché pour travailler sur Ring. Avant, il avait participé à un projet qui mariait la romance avec l'horreur et avait échoué sur les deux plans. Avec Ring, il a pu travailler avec Hideo Nakata, un réalisateur qui maîtrisait le sujet et avait surtout sa propre vision originale par rapport aux autres productions du genre.

 

À la même époque, Inô Rie était dans une troupe de théâtre avant-gardiste et jouait des personnages juste avec la gestuelle. Elle a été approchée pour jouer Sadako alors qu'elle n'y connaissait et n'y connaît toujours pas grand-chose en films d'horreur. 

 

Sadako n'a pas de visage donc le défi était de donner vie au personnages uniquement via ses mouvements et ses déplacements. L'actrice nous a fait une démonstration en apparaissant sur scène en imitant Sadako mais également en mimant différentes façons de marcher. Son jeu d'actrice consistait à montrer qu'elle visait une victime sans lui laisser aucun échappatoire. Elle insistait sur le fait de montrer beaucoup de puissance dans ses gestes, tout en faisant attention de ne pas accélérer à la fin de ses mouvements. 

 

 

Takuya Wada est venu à la conférence avec un making off personnel de plusieurs minutes qu'il a partagé avec nous. C'est juste un document exceptionnel pour les fans du films. Il a capturé en particulier la séance de maquillage quotidienne qui consistait à confectionner les ongles de Sadako. C'était un élément essentiel vu que c'est une des rares parties du corps visibles du personnages à l'écran et qui devaient transmettre des émotions. Les premières sessions de maquillage ont duré une heure, pas tellement à cause du travail proprement dit mais des exigences du réalisateurs qui trouvait la couleurs soit trop rouge soit trop noire. À la fin, les séances étaient réduites à une demi heure par jour.

 

Le spécialiste des effets spéciaux a aussi abordé quelques astuces utilisées dans le film, qui ont évité de recourir à des images de synthèse : Des scènes filmées à l'envers, des suppressions d'images pour accélérer ou saccader des passages ou tout simplement l'utilisation d'anciennes caméras pour coller à l'ambiance. Takuya Wada s'est amusé de la réaction des adolescents de l'époque qui ont dit qu'ils avaient révolutionné le genre, alors qu'ils n'avaient eu recours qu'a des techniques anciennes et classiques.

 

Il a aussi détaillé le travail derrière une scène clef du film, où un oeil de Sadako apparaît. Le réalisateur et lui voulaient marquer le coup tout en se restreignant à un seul élément du visage qui n'aurait pas du exister. En fait, l'oeil est celui du 3e assistant réalisateur.

 

 

Ce dernier a été envoyé chez un ophtalmologiste et il pensait au début qu'il devait récupérer des informations et de la documentation à propos des yeux. Il a ensuite cru à une blague quand M. Nakata et Wada lui ont demandé d'y aller pour se faire raser les cils. Il est revenu avec un gros pansement qu'il a retiré pendant la prise de vue et son calvaire a continué : il devait garder son regard vers le sol tandis que Takuya Wada utilisait un adhésif pour tirer la paupière vers le haut, ce qui était loin d'être indolore.

 

L'expert en effets spéciaux a partagé une ancienne photo d'ordre privé avec l'assistant tout sourire, et c'était en fait le seul document à ne pas capturer pendant la conférence. Il y a eu un micmac au début, où Takuya Wada invitait le public à prendre en photo la prestation d'Inô Rie tandis que le staff de la scène intervenait pour empêcher les spectateurs d'en prendre.

 

Takuya Wada était aussi venu publiquement à Japan Expo en 2017 dans le cadre de l'événement Anime 100 et il était intéressant cette année de le voir aborder son travail sur le maquillage au-delà de l'animation, qui lui facilite cependant la vie pour pouvoir dialoguer avec les réalisateurs via des dessins.

 

Il était également présenté comme l'un des dix artistes japonais en soutien à l'initiative Japan Expo Paris à l'exposition universelle d'Osaka les 26 et 27 avril 2025.

 

 

 

 

Enfin, parmi ses nombreuses activités, Takuya Wada est designer de bouteilles d'alcool à l'effigie de Hokuto no Ken ou encore City Hunter, et il était possible d'en acheter pendant le festival et de se les faire dédicacer.