Animint

  Anime & manga

 
 
“Animint traite des dessins animés japonais et du manga. Outre ce blog, le site comporte plusieurs milliers de pages de texte illustré.”

Compte rendu de la conférence d'Ilan Nguyên à Antony : Zoom sur le cinéma d'animation

Par le :: Manifestations

2013

Hier soir avait le lieu la soirée d'ouverture du festival Des Bulles dans la Ville à Antony. Ilan Nguyên est venu à la médiathèque Anne Fontaine pour tenir sa conférence de près de deux heures sur le cinéma d'animation japonaise et son lien avec la bande dessinée.

Il fallait être au courant avant de la manifestation – qui était gratuite - pour venir, car je ne me souviens pas avoir vu de signalisation à l'extérieur de la médiathèque et pour pénétrer dans les lieux, il fallait que quelqu'un vous ouvre depuis l'intérieur, le détecteur des portes automatique étant désactivé dans le sens de l'entrée, même à dix minutes du début des débats.

Une quinzaine de personnes étaient quand même présentes dans une salle de taille modeste, mais bien équipée avec un buffet apéritif en libre service et boissons à volonté, gracieusement offert. Autant dire que cela faisait très cours privé, avec Ilan Nguyên installé dans un fauteuil, devant une table basse, avec son portable dessus pour diffuser son matériel vidéo et une collection importante de recueils et autres mangas à côté de lui.

Les deux membres de la médiathèque ont lancé la séance par rappeler le cadre du festival mais ils se sont bien emmêlés les pinceaux quand il a fallu introduire ensuite la conférence, du genre le premier sort "Et Ilian Nguyên va nous faire une conférence sur... sur..." en demandant visiblement désespérément que sa collègue reprenne son relai, un relai qui a été finalement  "Euh...sur les mangas...euh.. Ilian tu peux nous en dire plus ?". Bref, vous pouviez vous attendre à  mieux en guise d'introduction, mais c'est le seul cafouillage que j'ai retenu

La trame de la conférence a été calquée sur l'histoire chronologique du cinéma d'animation et du manga au Japon. C'est ainsi que j'ai retrouvé la plupart des éléments mentionnés pendant une séance similaire à Planète Manga en février 2012.

Ilan Nguyên nous a écrit le mot manga en kanji sur le tableau à feuilles en rappelant que le "ga" signifie image et en soulignant la difficulté de traduire le "man" : Il y a derrière une idée de désordre, de pêle-mêle. Il retient le sens d'images en liberté, malgré tous les canevas, les carcans et les codes qui régissent les mangas.

Il a rappelé le rôle précurseur d'Hokusai, qui fait apparaître le terme manga via ses compositions croquées sur le vif, dont l'ensemble a été connue en tant que "la Mangwa" par les français de l'époque. Il a mentionné aussi le rôle précurseur de Keisai avec ses dessins abrégés d'animaux, de personnages et même de paysages.

Pour aborder la cinéma d'animation, il a fallu parler du cinéma tout court qui fait son apparition au Japon très tôt, presque immédiatement  après l'invention de la caméra des frères Lumière, capable de projeter mais aussi de capturer les images. Des opérateurs ont parcouru le monde pour alimenter le fond de films de l'entreprise française et l'un d'entre eux est Gabriel Veyre, qui débarque au Japon en 1898.

Des caricaturistes, des peintres et d'autres artistes japonais découvrent le cinéma d'animation et décident de s'y plonger. Contrairement à d'autres domaines, telles que la peinture ou la photographie, où les japonais sont partis étudier à l'étranger ou bien on pu profiter des enseignements d'experts occidentaux sur place, le cinéma d'animation a été abordé de manière complètement autodidacte.

Antony Namakura Gatana

Très peu d'oeuvres de ce début du XXème  siècle sont parvenue jusqu'à nous, leur support inflammable étant destiné à disparaître plus ou moins rapidement. Ilan Nguyên nous a cependant diffusé Namakura Gatana, un court métrage de 2 minutes produit par Jun'ichi Kôchi en 1917. La pellicule a été dénichée dans une boutique par un historien du Centre National du Film de Tôkyô, il y a 5 ans.

Malgré la technique sommaire de papier découpé, vous trouvez déjà un sens du détail dans la représentation des aptitudes du personnage principal, un samouraï qui souhaite tester son sabre sur les gens qu'il rencontre.

Ilan Nguyên a basculé sur la partie manga de la même époque, en exposant des livres illustrés plus portés sur l'aspect satirique et cocasse. Il date à 1925, le premier exemple d'anime adapté à partir d'un tel livre.

Des produits familiaux sortent en parallèle, avec un format propre au Japon en 35 millimètres, où les films durent 2 à 3 minutes et sont diffusés en utilisant un système manuel de manivelle, qui permet d'effectuer des arrêts sur image, les lampes étant moins fortes. Les titres peuvent être des résumés de films sortis dans les salles de cinéma mais aussi des productions spécifiques, à l'instar des OAVs d'aujourd'hui.

Pour la petite histoire, Osamu Tezuka, né en 1928, a souvent visionné de tels films d'animation pendant son enfance, grâce à la collection familiale. 

Le récrit chronologique a repris avec les films de propagande des années 1930, avec notamment Norakuro gochô, le chien noir soldat qui vient à bout des ennemis du Japon, réalisé par Yasuji Murata, un des collaborateurs de Kenzô Masaoka.

Masaoka est célèbre pour son court métrage parlant, L'araignée et la tulipe, produit en catimini en 1943 alors que la guerre faisait rage. Le sujet iconoclaste au sein des titres de propagande vaudra à son réalisateur quelques ennuis avec les autorités, mais le film marque un bond dans l'animation japonaise.

Alors que Masaoka arrête ses activés à la fin des années 1940, il a cependant forme de nombreux collaborateurs, qui marque les années suivantes. Parmi eux, certains viennent à l'illustration et Ilan Nguyên a partagé quelques exemplaires d'illustrés des années 1950, où ceux-ci ont repris les histoire de Pinocchio ou de Blanche Neige de Disney, que notre conférencier trouve mieux que les originaux.

Outre plusieurs extraits projetés, nous avons pu feuilleter les originaux passés dans le public au fil de la conférence, chose appréciable possible quand vous êtes peu nombreux. Les illustrés en couleurs sont très soignés mais leur qualité qui tranche avec les images des mangas moyens d'aujourd'hui, s'explique en partie par leur publication au mieux mensuelle.

Le studio de Masaoka est racheté par Toei pour devenir l'ossature de Toei Animation. Le résident de l'époque croit dur comme fer à l'avenir des dessins animés pour diversifier les débouchés de sa société, limitée comme les autres grands studios japonais au films live. 

L'âge d'or de la Toei commence et le studio produit une vingtaine de film d'animation de 1958 à 1971, sur un rythme jamais inégalé, en ayant dans ses rangs les prochains grands maîtres que sont Hayao Miyazaki et Isao Takahata.

Les années 1950 marquent l'arrivée de la télévision et les premières chaînes privées japonaises sont créées en 1955. Devant de ce nouveau média en pleine expansion, qui concurrence non seulement le cinéma mais aussi la presse écrite, les éditeurs prennent les devants et décident d'adopter une publication ne feuilleton à un rythme hebdomadaire.

Les bandes dessinées deviennent alors en noir et blanc, et le système d’assistanat devient la règle pour produire : Le mangaka se focalise sur les personnages principaux tandis que ses assistants s'occupent des éléments secondaires, tels que les décors ou le tramage. Notre conférencier a pris une planche de Jiro Taniguchi comme exemple de conception étapes par étapes, depuis l'ébauche de découpage jusqu'à l'encrage final. 

Antony Shounen

A la question de savoir à quel public les mangas s'adressaient, Ilan Nguyên a fait un aparté sur les catégories de lecteurs. Il a d'abord effectué un comparatif avec la bande dessinée franco-belge, où il est de tradition de commencer par les titres classiques du genre Lucky Luke, Astérix ou autres Schtroumpfs dans les années 1960. La revendication d'une bande dessinée pour adulte  s'est imposée dans les années 1970, avec les revues Fluide Glaciale,  Pilote et À suivre..., par exemple, et cela s'est fait en rupture par rapport à "la bande dessiné à papa".

Au Japon, le genre pour les enfants, le shônen – puis plus tard le young pour les adolescents - et celui pour adulte, le seinen, ne s'opposent pas mais s'inscrivent dans la continuité où le manga suit son lecteur au fil des ans. Le Japon se retrouve avec un lectorat identifié de soixantenaires alors qu'une telle tranche n'existe pas chez nous.

Le récit dramatique est une constante dans le manga japonais quelque soit le public visé, donc shônen inclus. Si une série comme Ken le survivant n'avait pas sa place dans un programme pour jeunes enfants, il faut cependant souligné que le manga est paru dans le Shônen Jump au Japon, donc pour un public adolescent et non adulte. En France, nous avons eu aussi cette tradition via les romans d'initiation et en exemple, Sans Famille, le roman d'Hector Malot, est rempli de drames en tout genre. Personne ne s'en offusque mais cela devient problématique en France dès qu'il s'agit d'un dessin animé pour les enfants.

Par comparaison,  Ilan Nguyên a pris l'Italie, qui a également connu comme nous la grande vague d'import de dessins japonais au début des années 1980, à ceci près que nos voisins transalpins ont eu aussi des séries telles que Space Battleship Yamato et Mobile Suit Gundam. L'intrigue y est plus complexe que dans notre Goldorak national, avec moult malheurs à la clef pour les personnages et avec un public visé plus adolescent qu'enfant. La perception des anime par le grand public en Italie et en France est fondamentalement différente.

Pour revenir au sujet, il a abordé l'apparition d'Osamu Tezuka dans le cinéma d'animation. Le maître du manga a toujours été attiré par le domaine et une des ses histoires raconte la rivalité entre deux garçons qui se battent au travers des films qu'ils produisent. Techniquement, il ne connaissait rien mais l'occasion d'en savoir plus lui est donné par la Toei qui adapte un des ses mangas pour produire leur 3ème long métrage, Saiyuki, en 1960.

Il s'initie aux techniques et à l’expiration de son contrat avec la Toei en 1961, il fonde sa propre société, Mushi production, qui débauche de nombreux professionnels. Il attire aussi des illustrateurs talents, victimes indirects de la télévision qui a sonné le glas des locations de livres, où de même que vous avons aujourd'hui des productions directement en vidéo, vous aviez des ouvrages uniquement pour le marché de la location.

Antony Astro

A la fois poussé par son métier d'origine, où le rythme de publication est hebdomadaire et par l'envie de se démarquer, Osamu Tezuka se lance dans le modèle de la série en feuilleton avec Astro le petit robot en 1963. Le rythme d'un épisode de 30 minutes par semaine – réduit à en fait 23 minutes d'animation en enlevant les génériques et la publicité – est alors impensable à l'époque.

Aux États Unis, Hanna-Barbera a utilisé abondamment le concept d'animation limitée mais était cantonné au format de moins de dix minutes traditionnellement utilisé pour les Tom & Jerry de la MGM et diffusés avant les films au cinéma.

Le celluloïd permet de se cantonner à redessiner le personnage photographié ensuite sur un décor, mais la technique d'Osamu Tezuka va plus loin en découpant chaque partie du corps et en les animant séparément, notamment les bouches, ce qui permet de faire parler un protagoniste avec un minimum de dessins.

Pour optimiser au maximum, il raccourcit la durée des plans et constitue une bibliothèque de scènes réutilisables, ou fait appel à divers artifices tel que toujours faire parler un personnage de dos pendant un dialogue. Le travail de production se réduit alors à 3000 dessins pour chaque épisode.

Le mangaka a transposé son rythme de publication à la télévision, et depuis toute la concurrence  a adopté sa formule pour sortir leurs propres séries. Il devient presque possible de calquer un chapitre de 20 pages sur un épisode de 20 minutes, même à l'époque actuelle quand vous prenez comme modèles des titres suivi à la lettre par leur adaptation anime, tel que Monster de Naoki Urasawa.

Si la bande dessinée et les mangaka pénètrent le domaine de l'animation, l'inverse est aussi vrai, avec deux exemples notables dans les années 1980, avec Yoshihazu Yasuhiko pour Arion et Hayao Miyazaki pour Nausicaä, adaptée en anime dix ans avant que le manga ne se termine.

Pressé par le temps – malgré les deux heures de temps imparti au départ - , Ilian Nguyên a survolé le cas de Katsuhiro Otomo, qui a rapidement eu un pied dans l'animation après ses débuts dans le manga, en soulignant son appartenance à une nouvelle vague et son sens du réalisme.

Un autre cas de va et vient concerne l'adaptation  d'Isao Takahata de Mes Voisins les Yamada, le manga d'Hisaichi Ishii. Le mangaka a repris ensuite de manière caricaturale la genèse du film au sein des aventures de sa petite héroïne en herbe, Nonochan.

Enfin, Ilian Nguyên a tenu à mentionner Mindgame et Masaaki Yuasa, qu'il a qualifié de Tolkien de l'animation japonaise. Pour rappel, ce dernier est présent à Paris dans quinze jours pour l'avant première de Kick Heart, son dernier anime en date.

La conclusion de la conférence s'est évertuée à souligner les aller retour incessant entre anime et manga, à plusieurs niveaux, tout en mettant en avant leur point commun, notamment l'accent sur le format de feuilleton et les récits dramatiques.

Pour ma part, j'ai retrouvé un rappel rafraîchissant sur l'animation japonaise mais je n'ai pas été très convaincu par les thèmes abordés après Tezuka, plus axés sur l'énumération des titres que sur leurs impacts et le pourquoi de leur place dans cette conférence. Il n'y a pas eu d'allusions ou d'ouverture non plus vers d'autres médias en rapport avec la bande dessinée ou le cinéma d'animation, tel que les jeux vidéo par exemple. En revanche, il y en avait avec la bande dessinée franco-belge, même si cela ne sent pas beaucoup dans mes notes de compte rendu.

Conférence Antony

Discuter de ce billet sur le forum - - Laisser un commentaire »

Cet article vous a plu?

Faites-le connaître ou votez pour cet article sur les sites suivants :

  • anime manga aggregator sama
  • Partager sur del.li.cious
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur Google

Commentaires sur ce billet:

  1. Le 02/06/2013 à 02:03
    Rukawa a dit

    si j'avais su je serai venu :/

Ajoutez votre commentaire:

Merci de bien vouloir soigner votre orthographe et de proscrire le style SMS.


Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

 

↑ Haut de page