Animint

  Anime & manga

 
 
“Animint traite des dessins animés japonais et du manga. Outre ce blog, le site comporte plusieurs milliers de pages de texte illustré.”

Tonkam rue Keller - Souvenir, souvenir

Par le :: Divers

1995 , 2005 , films , oavs , mangas , 1997

En cette fin avril 2010, la boutique Tonkam, rue Keller à Paris, doit fermer. La fermeture concerne seulement la librairie canal historique et nullement les éditions Tonkam, passées sous la houlette de Delcourt depuis 2005. Pourquoi faire un tel foin sur la fermeture d'un petit commerce? Personne ne vous a mentionné la fermeture de  Kibô dans le 12ème arrondissement ou la disparition de Tokyo Toys rue Voltaire, en supposant que vous ayez déjà mis les pieds chez l'un ou l'autre.

La première raison est que Tonkam est un incubateur, qui a produit des éléments marquants dans le monde professionnel de la japanim. Parmi les premières boutiques à proposer des imports du Japon, ses membres se lancent dans une succession de projets, avec des fortunes diverses. 

Un premier Tsunami, un bimestriel avec une couverture papier glacé, voit le jour en 1992, et il dure quelques numéros. Il est ressuscité en 1997 dans un format professionnel. Entre temps, Tonkam lance une autre feuille de choux gratuite, Mangavoraces, en 1995, comprenant de courtes critiques sur les titres disponibles en boutique.

Une 2ème boutique est ouverte, Tonkam Monge, près de Jussieu, avec un catalogue de produits exposés légèrement différents, avec une offre J-Music plus visible, mais l'expérience tourne court au bout de plusieurs années.

La maison Tonkam est bien entendu là, où le projet d'édition a aussi commencé en 1993, avec non seulement les premières parutions de mangas mais aussi de vidéos. Les titres sont maintenant chez Kaze, mais les premières cassettes vidéos des OAVs d'Ah My Goddess et du film Beautiful Dreamer de Lamu étaient estampillées Tonkam.  En parallèle des mangas phares qu'ils éditent, ils lancent aussi Magnolia, une revue de publication shôjô et soutiennent la publication de mangas dessinés par des français.

Le parcours des éditions Tonkam a été émaillé par quelques événements forts tels que le départ d'un des fondateurs, Dominique Véret pour former Akata et faire office de directeur de publication pour Guy Delcourt. L'autre date, déjà citée, est la prise de contrôle du label Tonkam par le même Delcourt.

Après avoir résumé le côté institutionnel, je voudrai m'attarder un peu plus sur le rôle et l'image qu'a eu la boutique auprès des fans des années 90. Je commence par une petite anecdote, celle d'une de mes connaissances qui a commencé à s'intéresser vraiment aux anime quelques mois plus tôt que moi.

De passage sur Paris, venu avec ses parents depuis sa banlieue rupine, il avait obtenu qu'ils le conduisent en voiture rue Keller pour voir la boutique dont il avait lu l'adresse sur un des Animeland. C'était l'hiver et le soir. Les parents étaient affolés en passant dans le quartier, à l'allure sinistre, sans parler de la devanture peu miroitante de la boutique, et ils ont presque failli faire demi-tour. Une fois à l'intérieur, cela s'est beaucoup mieux passé.

Pour ma part, j'ai connu Tonkam d'abord via BD Expo, un rendez-vous annuel au mois d'octobre, sur les quais d'Austerlitz. A l'instar de Japan Expo, qui est maintenant le rendez-vous incontournable de l'année, BD Expo avait le même statut pendant la première moitié des années 90. Plus cela allait, plus il y avait de monde d'une édition à l'autre, avec la cohue à l'entrée, avant que le rideau ne s'ouvre. Autre anecdote, je me souviens avoir vu Véret, être endigué dans le foule qui commençait à entrer. En entendant la question très intelligente qui lui était adressée "mais M'sieur, il y a quoi dedans pour avoir autant de monde devant" il a répondu en plaisantant: "Des p****!". 

BD Expo sera ensuite supplantée au niveau national par des festivals tels que Cartoonist Toulon, plus spécialisés sur les anime manga, et surtout avec des invités prestigieux. Dans son édition renewal de 2000, BD Expo a eu comme invité Kôji Morimoto mais l'âge d'or était passé depuis longtemps. Il n'y avait pas de préventes à proprement parler mais vous pouviez récupérer gratuitement des bons pour  avoir des places demi-tarifs, en passant chez les boutiques des exposants avant la convention, donc chez Tonkam, entre autres.

Par rapport aux fanzines et aux professionnels de la partie franco-belge, Tonkam était la boutique de japanim présente sur les lieux, avec des produits dont j'avais déjà entendu parler à la radio – du temps où Gotoon était jeune :op -  mais jamais vu en vrai. J'ai du y acheter mon premier CD OST, du Maison Ikkoku, à un prix que j'ai trouvé exorbitant. Plus que la boutique, l'attraction était la projection d'anime par un des membres du staff Tonkam, qui passait en continue des laserdiscs pendant toute la convention. Bien entendu c'était en VO pure, sans la moindre traduction.

Cela passe encore pour du shônen et des épisodes courts. Il y avait aussi l'ambiance qui va avec, quand un anime connu passait. Je ferai l'analogie avec un match de foot, où certains spectateurs accompagnateurs se fichent de ce qui se passent sur le terrain mais aiment bien vivre l'ambiance du stade et ses ola. Là, c'était pareil devant la diffusion de plusieurs titres phares, où les spectateurs affluaient pour voir apparaître leur héros du moment, sans se préoccuper vraiment de l'histoire.

En revanche, se taper coup sur coup Hashire Melos et Honneamise no Tsubasa sans sous-titres, ni savoir du tout de quoi il s'agit à l'origine, c'est inhumain.

Avec le recul, il est difficile d'imaginer à quel point Tonkam ait pu faire son beurre à partir de 95% de produits complètement en japonais, qu'ils aient pu vendre des séries entière de mangas non traduits, ou encore des laserdiscs en VO pure, en plus des goodies, des CDs et des artbook. Le reliquat non japonais était les volumes d'Akira chez Glénat ou les fascicules au format comics de Ranma ou Urusei Yatsura, publiés par Viz. D'un autre côté, les boutiques spécialisés étaient des intermédiaires incontournables pour le vulgum pecus, sans contact à l'étranger, s'il voulait sa ration de mangas.

Un autre phénomène marquant a été les attroupements spontanés de fans devant la boutique tous les samedi après midi. C'était déjà la cas devant Junku do, avant que la librairie ne déménage rue des Pyramides, mais le mouvement s'est déplacé devant Tonkam. Tout le monde n'avait pas encore de téléphone portable pour contacter sa tribu et les téléchargements d'anime à porter de clic n'étaient pas à l'ordre du jour. Nous en étions au laserdisc, pour les plus aisés, et à la copie de K7 vidéo de 12ème génération, échangée sous le manteau. Des réseaux existaient déjà avec les serveurs minitels et les ancêtres de nos forums. L'un des rendez-vous classiques donnés était devant Tonkam.

Un rituel obligatoire, notamment pour les personnes n'habitant pas la région parisienne, était de faire le tour des boutiques, avec une présence plus importante du côté de Bastille qu'à L'Opéra, avec Tonkam, mais aussi Madoka, Katsumi puis Atomic Club, avant que n'arrivent après Konci et Manga Distribution.

Dans ce contexte, vous tombiez forcément sur une de vos connaissance et vous tapez la discute sur le trottoir, le magasin étant trop exigüe pour ça. Bien entendu, le temps de papoter, d'autres personnes arrivent et ainsi de suite le troupeau se forme. Ce n'était pas la grosse manifestation à chaque fois mais le brouhaha ambiant commençait à taper sur le nerf d'un des voisins en haut de l'immeuble, qui a fini un jour par lancer de l'eau sur la foule en contrebas.

Tonkam lançait également des opérations un spéciales, telle qu'une nocturne au mois de  décembre avec un contenu du magasin remanié à l'occasion pour proposer de vraies fausses bonnes affaires – ou vice versa -  ou bien des soirées à caractère privé, sur invitation quoi, même si les invitations étaient proposées au public.

Entre autres, la boutique a été le théâtre, en juin 1997, du premier concours de cosplay ou tout au moins les trottoirs de la rue Keller. Avant cette date, des cosplayeurs isolés participaient déjà aux petites conventions. En fait le premier groupe notable a été sans doute vu pendant Cartoonist 97, au mois d'avril, avec une excursion de la troupe dans le centre Mayol. Au premier cosplay Tonkam, je me  rappelle que les participants étaient une trentaine, mais je ne me souviens que de très peu de costumes, à part la Zia, Ranma et un Black Jack.

La session d'octobre, encore à BD Expo, déplacé à Bercy Expo, a été plus impressionnante avec 80 participants, dont une allemande venues en  Esmeraldas d'Albator. La configuration ressemblait plus à ce dont vous êtes habitués aujourd'hui, avec une scène, un fond sonore, un jury et une cohue de photographes. Les costumes étaient plus tapes à l'oeil, avec le soin apporté aux accessoires ou le déguisement de mascotte, plus que grandeur nature. La boutique éditrice n'a pas été avare en prix. La copine arrivée à la 16ème place, un peu loin dans le classement donc, avait eu droit aux 7 tomes d'Asatte Dance.

Ma dernière excursion à Tonkam doit remonter à octobre 2008, date à laquelle j'ai pris le cliché ci-dessous – du genre "tiens, il y a des vélib maintenant devant Tonkam" - pour illustrer l'annuaire des boutiques. L'adresse va gicler mais du coup, avec l'article dans le blog, la photo restera.


Librairie Tonkam

Discuter de ce billet sur le forum - - Laisser un commentaire »

Cet article vous a plu?

Faites-le connaître ou votez pour cet article sur les sites suivants :

  • anime manga aggregator sama
  • Partager sur del.li.cious
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur Google

Commentaires sur ce billet:

  1. Le 28/04/2010 à 19:50
    Ikebukuro a dit

    Voici un lien avec des photos du cosplay de 1997!
    http://coolen.marc.free.fr/1997/html-97/t-97/t97-r-1.htm

  2. Le 29/04/2010 à 08:25
    rambiney a dit

    Superbe article plein de nostalgie mais tres sympa a lire.perso, ca m a rappele plein de bons souvenirs!

  3. Le 29/04/2010 à 13:39
    Typhoe a dit

    Pareil, ça fait très nostalgique!
    Je me rappelle ma 1ere visite en venant de la cambrousse et avoir fait le tour des toutes les boutiques décrites dans le post....
    Ca rajeunit pas tout ça :p

  4. Le 02/05/2010 à 13:30
    riri a dit

    c'est triste, ça fait aussi partie d'une des premières boutiques que j'ai connu.
    même si ça ne remonte pas à fin 90. d'ailleurs, les photos d'ikebukuro illustrent bien ce que dit pazu : la devanture de l'époque fait pas vraiment envie

  5. Le 06/05/2010 à 10:10
    Matt Otaku a dit

    J'ai connu Tonkam à la "belle époque"... Avec R... Afficher davantageégine... Je bavais devant les L.D (je me souviens du box de L.D de Sailor Stars qui coûtait dans les 500 francs...) J'y avais acheté mes deux premières OST de Sailor Moon, ils avaient une section "CD d'occasion" et ces 2 CD c'était ceux d'un des vendeurs.

    J'aimais Tonkam, mais faut dire, c'était le seul à l'époque, avec Madoka (que j'aimais aussi) et Atomik Club (qui atomisait ses clients avec les prix). Madoka disparut, sniff, et puis Konci (qui faisait, au départ, uniquement des jeux-vidéos import et modifications de consoles) s'est lancé dans les produits dérivés des animés-mangas-jeux-vidéos... Etc.

    J'suis un vieux... J'ai connu les toutes premières conventions dans des écoles, dans des locaux tout petits... Et puis à l'époque des premiers cyber cafés, il y avait une soirée d'organisée au Cyber Café de Montparnasse, que de souvenirs...

    Tonkam disparait, peu de temps après Asian Alternative (ces escrocs qui sont partis sans prévenir, après avoir encaissé les commandes... J'ai vu la vendeuse 1 semaine avant leur "départ" et elle me disait "tout va bien, vous recevrez vos figurines bientôt..." (grrrr)) Et maintenant il parait que c'est au tour de Konci de fermer...

    Que restera t-il ? Manga Distribution, avec un accueil pourri, Manga Toys (dont un des vendeurs est un ex vendeur de chez M.D) - avec ses deux nouveaux vendeurs "djeuns" qui n'ont pas du faire l'école de l'amabilité... Et puis ?...

    Une page se tourne... Que réserve l'avenir ? Le secteur est-il en crise ? Qui fait recette actuellement ? La Fnac ? Le Virgin ?

  6. Le 26/06/2011 à 11:18
    Ikebukuro a dit

    La librairie a été remplacée par une boutique de fringues…
    J’ai posté une photo ici, en bas de mon blog, pour ceux qui voudraient voir que c'est vraiment vraiment fini; et le magasin est quelconque en plus... http://japon.canalblog.com/archives/2010/05/08/17828046.html

  7. Le 29/01/2012 à 15:27
    Dans Fermeture de Shi Fu Mi à Strasbourg : La fin du..., il a été dit

    [...] En attendant c'est avec une petite larme, qui doit ressembler à celle lâchée par certains à la fin de la boutique Tonkam, bien que celle-ci fût plus vieille que Kao Bang, que je vois la fin d'une boutique qui a [...]

Ajoutez votre commentaire:

Merci de bien vouloir soigner votre orthographe et de proscrire le style SMS.


Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

 

↑ Haut de page