À 16 ans, Hodaka Morishima fait une fugue pour quitter sa région natale où il étouffe pour rejoindre Tôkyô, la terre promise de ses rêves. La dure réalité est cependant cruelle et il essuie refus sur refus pour décrocher un petit boulot à son âge quelque soit le milieu qu'il tente d'intégrer. Il enchaîne aussi les recours au système D aussi bien pour trouver un coin pour dormir que pour se nourrir en puisant au minimum dans ses maigres économies. Tout n'est pas si noir et il reçoit un jour un coup de pouce inattendue de la part d'une jeune employée dans un restaurant, Hina Amano, qui lui redonne du baume au coeur.

Il finit cependant par échouer dans la petite agence K&A Planning Co., Ltd. de Keisuke Suga, un adulte que Hodaka a croisé pendant son trajet vers Tokyô et qui l'a plus extorqué que vraiment aider, et qui va continuer à l'exploiter. Le poste est cependant mieux que rien même si le garçon doit jouer les hommes à tout faire de jour et de nuit, en échange du gîte et du couvert. L'activité principale de l'agence est d'écrire des articles sur le paranormal et la première mission sur le terrain que fait Hodaka consiste à accompagner Natsumi, la seule et unique collègue de Keisuke, à faire l'interview d'une voyante, qui leur parle des personnes avec des affinités mythiques soit avec la pluie, soit avec le soleil.

Avec l'été pourri que connaît le kansai, les sujets surnaturel en rapport avec la météo est un sujet vendeur qui devrait intéresser les lecteurs des magazines mais Hodaka prend l'affaire plus au sérieux quand il rencontre à nouveau Hina Amano. Il y voit même un nouveau business à lancer.

Après le succès historique de son long métrage précédent Your Name, Makoto Shunkai revient avec une comédie romantique et a reconduit une partie des équipe pour sa nouvelle production, notamment Masayoshi Tanaka au character design et Radwimps pour les musiques. Le directeur artistique Hiroshi Takiguchi était également dans l'équipe du film précédent. En revanche, si Your Name a une touche de science fiction, Les enfants du temps sont plus orientés vers la mythologie.

Le concept imagine un univers à moitié parallèle à notre monde et à moitié caché dans les nuages immenses qui cachent ainsi quelques mystères. Des manifestations étranges sont prises en photos ou filmées mais reflètent un caractère éphémère qui empêche de les cerner voir de susciter plus d'attention qu'il le faudrait de la part des autorités compétentes. Les créatures inventées sont transparentes, à la fois marines et aériennes, constituées d'eau mais capable de voler en essaims pour les plus légères ou bien seulement de léviter sur place pour les plus imposantes.

Inconsciemment, nous faisons d'office une comparaison entre les 2 films mais cette dernière est aussi induite par le cross-over fugace avec Your Name. Cela tient plus du caméo avec des personnages que vous reconnaissez mais qui n'appartiennent pas à la même réalité, de la même manière qu'Angel Heart n'est pas vraiment la suite de City Hunter mais plutôt un futur alternatif.

Hodaka s'est construit un camp de base à l'agence K&A Planning et il s'épanouie grâce à l'activité lucrative qu'il gère avec Hina. Cependant, plus la réalité le rattrape et les fondations de son oasis s'effondrent, plus il veut fuir la réalité et se refugier dans un cocon, ne serait-ce que le temps d'une nuit. Le réveil est brutal et il doit affronter des adultes qui ont une approche terre à terre tandis que lui se lance dans une quête d'une autre dimension. Le thème n'est pas nouveau mais il est bien amené.

Le scénario réserve aussi une part d'introspection dans les personnages secondaires. Natsumi a un rôle plutôt en retrait et l'enjeu se limite à trouver la voie à ce qu'elle veut vraiment faire comme métier. La révélation intervient comme un trait d'humour dans le film. Nagisa, le membre de la famille de Hinata qui apparait le plus souvent, est lui aussi cantonné à un profil de faire valoir, avec des relations originales pour un enfant de son âge mais sans réel développement durant l'histoire. En revanche, la situation de Keisuke est plus subtile, avec des contraintes qui doivent être gérées avec précaution, qui contrastent avec l'instinct que réveille chez lui, Hodaka, un garçon qui lui ressemble beaucoup finalement.

Pour revenir à la romance principale, le centre de gravité du récit penche plus vers Hodaka que vers Hinata qui devient la jeune fille posée en victime et qui subit les événements, alors qu'elle a pourtant le statut de la grande soeur courage qui soutient le reste de sa famille. Au contraire, le garçon qui a une attitude moins mâture, sonne la révolte, quitte à se mettre à dos le monde entier.

Comme d'habitude dans les films de Makoto Shinkai, les visuels sont irréprochables, avec un accent mis sur la pluie qui tombe presque sans discontinuer sur Tôkyô. Nous en avions déjà un aperçu avec les scènes de mauvais temps dans The Garden of Words mais le phénomène est accentué avec une touche apocalyptique pour les besoins du scénario. Il reste cependant cette ambiance particulière avec ce manque de lumière et de couleurs, qui fait savourer chaque moment où un rayon de soleil perce les nuages, rendant parfaitement compte des sentiments que peut avoir la population qui se lasse du mauvais temps. Pendant que le paysage urbain est sous l'eau, les nuages et leur monde imaginaire font office de tableaux pittoresques de la campagne, plus ou moins nus suivant les moments. Une autre réussite est le rendu de la transformation du mauvais temps habituel pendant la saison des pluies - même si cela dure plus longtemps que d'habitude - à une situation plus tendue, en reproduisant avec justesse les différents niveaux d'alerte et les impacts concrets dans Tôkyô.

Nous ne sommes pas fans de la musique de Radwimps mais la bande originale a le mérite d'être variée. Si les douces mélodies sont attendues pour accompagner les moments poétiques, des morceaux beacoup plus rock n'roll illustrent un nouveau mode de vie ou d'humeur. Les images collent parfaitement avec les changements de rythme et transportent les spectateurs dans les différentes ambiances. 

La réalisation fait aussi appel aux déplacements de caméra et joue sur les points de vue qui donnent des scènes très belles à suivre. De ce côté-là, les images numériques sont utilisées à bon escient et se fondent dans le reste sans que cela fasse tâche, bien au contraire. En revanche, les placement de produits et de marques se voient tout de suite et énervent un peu. Heureusement, les citations sont concentrées dans un petit quart du film au début et il n'en est plus question après.

Il serait réducteur de cantonner Makoto Shinkai à des comédies romantiques. Voyage vers Agartha relève plus de l'aventure même si le résultat est en deçà pour l'exploitation des éléments déjà abordés par un Hideaki Anno dans Evangelion et Hayao Miyazaki dans le Château dans le Ciel. Il reste aussi tous ses courts métrages dont l'excellent Dareka no Manazashi qui nous plonge à la fois dans le futur et la nostalgie. Après, il est vrai que la réalisateur est plutôt attendu sur le registre des romances, où il ne peut pas s'empêcher de suivre un semblant de schéma pour le dénouement. 5 centimètres par seconde finit par une touche presque amère et le final de Your Name est aussi délicat qu'il reste logique. L'épilogue pour Les enfants du temps parait cependant inutilement compliqué et presque en contradiction avec la volonté inébranlable affichée par les protagonistes jusqu'alors. C'est plutôt déstabilisant même si la dernière scène finit admirablement le film.