Une jeune fille découvre des lettres issues d'un autre temps, à l'époque où il y avait encore des poupée de souvenirs automatiques, le terme officiel pour désigner les écrivaines publiques du service postal qui rédigeaient des lettres pour retranscrire au mieux les propos et le ressenti de leurs clients.

Dans cette ère révolue, Violet Evergarden est au firmament de son art. Son seulement, il faut patienter trois mois pour faire appel à ses services tellement la liste est longue mais en plus, elle compose des missives pour des événements officiels et grand public. Les gens s'extasient de la force des émotions dont elle fait preuve et qu'elle arrive à imprégner dans ses messages, mais elle se défend en déclarant n'être qu'une intermédiaire pour retranscrire l'essence des demandes des ses commanditaires.

Personnellement, elle reste très peu expressive en face des gens et semble ne vivre que pour son métier, interrompant sa promenade au cours du fête pour pouvoir avancer dans son travail. Intérieurement, elle est toujours très perturbée par la disparition de son mentor le major Gilbert Bougainvillea durant la dernière guerre, qu'elle ne parvient pas à oublier.

Un jour, Violet est contactée de manière plutôt incongrue par un jeune client potentiel. Malgré son carnet de commandes plus que rempli, elle décide de s'intéresser à sa demande.

Le film Violet Evergarden était déjà en production bien avant l'incendie tragique qui a touché le studio Kyoto Animation pendant l'été 2019. Initialement, prévu au Japon pour janvier 2020 quelques mois après la sortie du volet Éternité et la Poupée de souvenirs automatiques, le long métrage a été d'abord repoussé en avril 2020 pour enfin sortir en septembre de la même année à cause du Covid-19.

L'héroïne Violet Evergarden effectue différentes missions et le long métrage de 2019 relate deux d'entre elles, en marge de la série télévisée diffusée en 2018. Le film Violet Evergarden s'inscrit plus dans la continuité de la série en faisant explicitement référence à un des chapitres les plus émouvants et en s'inscrivant chronologiquement après, sans effectuer pourtant de lien direct avec le tout dernier épisode. Faut il avoir vu la série avant de découvrir cette suite ? Nous dirons d'abord non car les éléments essentiels à la compréhension sont rappelés sous différentes formes, soit pendant les discussions, soit pendant les analepse. Nous pouvons aussi dire que c'est indispensable pour mieux cerner les relations entre les personnages. Si la place de Gilbert Bougainvillea est expliquée, celle de Claudia Hodgins n'est pas clarifiée. Vous pouvez voir que le supérieur de Violet dans le bureau postal joue les papa poules mais la série expose la situation. De plus, même si le caractère impénétrable de Violet est central dans le film, seule la série détaille le long cheminement que l'héroïne a suivi et surtout ses progrès. En revanche, si vous visionnez la série, vous perdrez plusieurs éléments de surprises et des sujets du film auront un arrière goût de déjà-vu. Plus grave, le long métrage peut être ressenti comme une trahison vis-à-vis du fil conducteur des épisodes. L'attrait du scénario de la série est de suivre la métamorphose progressive de Violet malgré l'ommniprésence du fantôme de Gilbert qui la renvoie à ses blessures passées. Dans ce film, nous revenons presque à un récit très terre à terre - et quelques invraisemblances difficiles à accepter - avec beaucoup moins d'ascension spirituelle.

Le film Violet Evergarden reprend cependant les qualités intrinsèques de la série avec ses thèmes forts que sont l'amour, la mort et les souvenirs, entre autres, auxquels il rajoute l'écoulement inérobale du temps : L'époque des écrivains publics est présentée comme une époque revolue et, même au coeur du récit, l'arrivée des progrès techniques que sont le téléphone et le télégraphe démontre le côté désuet des courriers postaux qui condamnera à terme le métier des poupées de souvenirs automatiques. Si le dessin des personnages vus de loin pêche un peu, il n'y a rien à reprocher sur les plans de près avec des visages et des expressions soignées et vivantes. La mise en scène est efficace, magnifiquement servie par les musiques composées par Evan Call et les paysages mis aux crédits de la directrice artistique Mikito Watanabe décédée pendant l'incendie de 2019 et de nouveau récompensée à titre posthume par le prix des décors et couleurs pendant le Festival du Film d'Animation de Tokyo en 2021. Le monde dépeint est un univers parallèle dans une société du fin du XIXe siècle pour l'époque contemporaine de Violet et de ses amis, et beaucoup plus tard pour le témoignage "moderne" qui se situe cependant dans un XXe siècle alternatif, pas encore dans le XXIe. Le scénario fait aussi le choix de revenir sur les affres de la guerre en représentant une ancienne région ennemie qui en subit les conséquences des années encore après et vient apporter son lot de mélancolie qui contraste avec la capitale Leiden, flamboyante et heureuse. Un réel effort a été produit pour dresser un tableau minutieux au travers des décors mais aussi des divers ustensiles dévoilés au cours des scènes. Une multitude d'objets ont également une portée symbolique en rappelant par leurs éclats Gilbert ou bien Violet et apportent une note de recueillement qui participent à l'atmosphère si agréable du film.

Bien que la réalisation fasse mouche dans 99% des cas pour susciter l'émotion chez le spectateur, que soit via un regard, par le moyen d'un simple geste ou d'un plan de coupe travaillé, elle connaît malheureusement un raté dans la scène au summum de l'intrigue, qui est beaucoup trop surjouée. Heureusement la qualité du titre Violet Evergarden ne se limite pas à une simple romance et le tout est habilement conduit par le biais d'autres protagonistes et d'autres symboles. Le film arrive même à se rattrapper complètement sur la toute dernière scène insérée après le générique de fin. Tout a l'air si simple et si naturel alors que le dénouement devient magnifique, en nous laissant à la fois tristes et heureux, enchantés par la magie de cette histoire.