Animint

  Anime & manga

 
 
“La première grande rétrospective en France des films du studio Ghibli, du 17 février au 14 mars 1992”

Présentation du festival

En 1992, le treizième festival du cinéma pour enfants a été centré sur le Japon. Outre quelques films live, nous avons eu droit à un grand échantillon des films produits par les studios Tezuka dont la fameuse Légende de la forêt et la totalité des films de Ghibli parus à ce moment, le tout sur grand écran et en version traduction simultanée. M. Takahata faisait parti des invités prestigieux de ce festival, M. Miyazaki étant bloqué au Japon par la finition de Porco Rosso à cette époque.

Le mot des studios Ghibli

Le texte est un mot écrit par M. Toshio Suzuki, directeur du studio Ghibli et auteur en 1995, d'un discours complet sur l'histoire du studio.

Il se passe quelque chose d'étrange au Japon. Parmi les jeunes, quand on parle "cinéma", la référence immédiate est celle du cinéma étranger notamment les films américains. Depuis quelques temps, dans notre pays, le public n'a plus d'interêt pour le cinéma japonais interprêté par les acteurs japonais, on ne sait pas quelles sont les raisons de cette désaffection. Parallèlement à ce phénomène, les dessins animés ont gagné en popularité non seulement auprès des enfants mais également auprès des adultes. Ceci est particulièrement remarquable depuis trois ans, avec la sortie de deux oeuvres qui ont beaucoup fait parler d'elles : Totoro de Hayao Miyazaki et le Tombeau du vert luisant [1] de Isao Takahata, tous deux couronnés de nombreuses distinctions.

Vous, les français, vous êtes sans doute étonnés que des adultes aillent ainsi au cinéma pour voir des dessins animés[2], mais j'aimerai que vous puissiez au moins une fois voir ces films[3]; vous comprendrez alors les raisons de cet intérêt pour le dessin animé. Pour vous éclairer un peu plus, je voudrais citer quelques propos de M. Takahata : "Je pense que tout exprimer par le dessin est un élément fondamental de la culture japonaise ; par exemple les rouleaux de peinture représentaient à la fois des scènes de champs de bataille, avec minutie et réalisme. Le dessin animé japonais est un prolongement de cette culture ancestrale."

M. T. Suzuki.

Notes:

  1. Cette traduction étonnante pour Hotaru no Haka est celle utilisée tout au long du festival. Le titre de la nouvelle d'Akiyuki Nosaka déjà disponible en français, qui a inspiré le long métrage et dont le titre est identique, est pourtant bien traduit La tombe des lucioles.
  2. Ceci est tout à fait vrai en 1992. Rappelons qu'il n'existait aucun éditeur français ni anglais. Le seul dessin animé classé pour adulte en France était alors Akira. Disney nous a habitué à l'habituelle enchainement dessin animé donc destiné aux enfants. La belle et la bête datant de 1992 est un produit typique. Ce n'est qu'avec les records d'Aladdin et du Roi Lion qu'il sera dit que finalement beaucoup d'adultes sont allés voir des dessins animés.
  3. Plus de dix ans après ce discours, le souhait de M. Suzuki est exaucé avec la diffusion mondiale des films Ghibli.

Le dessin animé japonais s'affirme vers une création plus spécifique.

Article officiel écrit à l'occasion du festival pour présenter le studio Ghibli.

La production de longs métrages d'animation est elle aussi, fortement marquée par les tendances issues de la "machinerie télévisuelle". Une dizaine de films sont produits chaque année pour le cinéma et les circuits vidéo, souvent en co-production avec les Etats Unis, la plupart de ces dessins animés n'étant pas d'ailleurs typiquement des films pour les enfants. Les sources d'inspiration sont souvent issus des mangas à bon marché en vente dans tous les kiosques à journaux[1], des scénarii où la violence semble être un exutoire indispensable au contrôle social permanent qui entoure chaque Japonais[2].

Dans le domaine des films pour enfants, l'un des personnages les plus célèbres semble être Dolahemon, petit bonhomme sans main[3], qui, chaque année, se voit entraîné vers une nouvelle aventure (on en est au treizième long métrage de la série). Néanmoins les années 1980-90 marquent un tournant dans les création de dessins animés pour enfants au Japon...
Grâce à la volonté de deux créateurs de talent, M. Hayao Miyazaki, M. Isao Takahata et à celle de M. Yasuyoshi Tokuma président d'une société d'édition, les studios Ghibli voient le jour le 15 août 1980. Ils vont être le berceau d'un nouveau type de création, plus personnalisée et plus affinée à la fois dans le fond et la forme...avec des décors hauts en couleur et en expressivité. Les films réalisés par les studios Ghibli ont remporté de larges succès populaires au Japon, tant dans les salles des grands circuits commerciaux que dans celles des communes par l'intermédiaire de la Fédération des parents et des enfants[4]. Ils ne sont à ce jour pas encore sortis des frontières du Japon[5] car les studios Ghibli tiennent à préserver leur spécificité japonaise; ils ont une certaine réticence à l'égard des distributeurs américains qui ont pour habitude de refaire le montage des films, à leur goût, les amputant de tout ce qui fait trop "japonais" [6]... méfiance également à l'égard des français avec qui le seul débouché à ce jour a été la télévision avec bien sûr comme conséquence le fractionnement des films, les coupures publicitaires, etc.

Les studios Ghibli travaillent en permanence depuis plus de dix ans, sans aucune extention à l'étranger, produisant parfois deux films en parallèle, chacun des créateurs affirmant sa propre specificité.

M. Takahata : "Tous mes sujets sont des adaptations littéraires. Pour la télévision, j'ai souvent eu à travailler à partir de romans étrangers, mais le tombeau du ver luisant, oeuvre de cinéma, est une histoire très japonaise mais en même temps très universelle... Mon prochain film en préparation Les souvenirs ne s'oublient jamais s'attache au personnage d'une jeune femme de 27 ans qui se remémore son enfance dans la banlieue de Tokyo, c'est aussi l'adaptation d'un roman japonais."

M. Miyazaki : "Je suis un homme très proche de la nature. J'aime l'eau, l'air, le réel... En réalisant Totoro j'ai pensé que ce film amènerait les gens à s'intéresser aux arbres qui sont près de chez eux. Les enfants ont bien réagi à cette idée et certains m'ont écrit pour me dire qu'ils avaient appelé l'arbre près de chez eux Totoro. Une autre de mes passion d'enfant c'était Jules Verne et d'une certaine manière cela a marqué nombre de mes oeuvres."

Le grand mérite de la société Tokuma[7] c'est sans doute d'avoir permis aux studios Ghibli de travailler avec une grande indépendance dans le choix des sujets... Une liberté de création qui a poussé Miyazaki à aller jusqu'au bout de son inspiration avec Totoro, il en va de même avec Takahata pour Les souvenirs ne s'oublient jamais.

Si l'on observe d'un peu plus près le travail fait au sein des studios Ghibli, il apparaît assez rapidement que les deux créateurs, M.Miyazaki et M.Takahata, sont, de fait, extrement liés, l'un possédant une dexterité évidente dans la création graphique, l'expression picturale ; l'autre maîtrisant le réalisme dans les dessins, la conduite des scénarios. Il y a la une association rare pleine de complémentarité et source de richesse créatrice.

La première rencontre entre les deux hommes remonte en 1968 avec un long métrage, Le roi du Soleil où l'on retrouve déjà les influences conjuguées de chacun d'eux avec un rapport particulier à la nature. Mais le mode d'animation apparaît très économique souvent intermédiaire entre la bande dessinée et le dessin animé. Pendant une dizaine d'années, tous deux vont alors collaborer pour des productions télévisées comme Le bébé Panda, Heidi, Anne aux cheveux roux, Conan le garçon du futur, Lupin... Même s'il s'agit là d'oeuvres de commandes, une expression personnelle apparaît et elle va en s'affirmant, muselée tout de même par la rigidité du système de production. Ainsi, dans Conan le garçon du futur, le réalisme de Takahata apparaît dans le scénario qui décrit une situation post-nucléaire; dans le dessin où les personnages vivent de manière très intégrée au monde naturel on sent déjà les orientations futures de Miyazaki même si l'on reste assez éloigné du shintoïsme de Totoro. La qualité et la technicité des oeuvres s'affirment aussi au fil du temps et un film comme Lupin dans le château de Cagliostro (1979) présente une finition dans les décors et dans l'animation assez remarquable même si l'histoire reste encore très occidentalisée.

C'est avec Goshu joue du violon (1982), qui aura demandé cinq années de travail et Naushika dans la vallée du vent (1984), que les deux créateurs commencent enfin à agir en toute indépendance. Les films qui vont suivre Laputa le château du ciel (1986), Totoro (1988), Le tombeau du vert luisant (1988), La messagerie de l'ensorceleuse (1989), Les souvenirs ne s'oublient jamais (1991) [8], vont alors pouvoir permettre la révélation de toutes leurs possibilités créatrices. Ils deviennent alors la preuve évidente que le dessin animé japonais pour enfants peut avoir sa propre indépendance dans la conception et dans la distribution des films... Ces films ayant assuré leur propre rentabilité à l'intérieur même du Japon. Des producteurs comme OH-Production, soutenu par Youmek-Inc qui avait été à la base de Goshue joue du violon, peuvent alors se tourner vers des histoires de fantômes[9] encore plus typiquement japonaises. De nouvelles directions sont désormais ouvertes pour le dessin animé au Japon.

Mai 1991.
M. A. Leclerc.

Notes:

  1. Comme en France, il existe des magazines hebdomadaires ou mensuels qui éditent les bandes dessinées en feuilleton puis il existe les éditions reliées, uniquement vendues dans les librairies. Certaines sont des éditions de luxe qui n'ont rien à voir avec le format botin téléphonique de certains journaux.
  2. Pour ne par revenir sur l'éternel débat sur la violence dans les manga et les anime, nous vous conseillons une lecture de la foire aux questions du forum de dicussion fr.rec.anime.
  3. Généralement écrit Doraemon. C'est un chat bleu, pas un bonhomme sans main ^-^. Oeuvre fondamentale de Fujiko Fujio et dont la série télévisée dépasse allègrement les mille épisodes.
  4. Présente au festival, cette fédération soutient un certain nombre d'oeuvres qui laissent le rêve, l'espoir, la force de vie, bien présent dans la vie des enfants, afin qu'ils restent des êtres humains à part entière, pleins de sensibilité.
  5. D'où l'importance historique de ce tout petit festival. Ce sont les premières diffusions de films des studios Ghibli en Europe.
  6. En regardant le triste résultat de The Warriors of the Wind nous disons que les américains ont enlevé tout ce qui nécessitait un effort intellectuel ^-^. Les Français avec le charcutage du Château de Cagliostro, où manquent toutes les apparitions du samouraï Goemon et la fin, ne font pas mieux.
  7. Ghibli est une filiale de la Tokuma Shoten Publishing Co, Ltd qui possède le célèbre magazine Animage.
  8. Autant de traductions en français, maintenant inhabituelles, que seules les anciens fans connaissent ^-^.
  9. En fait, les histoires de fantômes marchent fort bien au Japon et le succès de vidéos comme Vampire Princess Miyu à cette époque ou de séries fortement nipponne comme Urusei Yatsura avant, est déjà significatif. Aujourd'hui, ce genre d'histoire est courante dans les épisodes de séries animées pour la télévision Gegege no Kitaro est même une série fondée essentiellement sur les mythes de monstres japonais.

↑ Haut de page