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Sasameki Koto est-il un bon manga yuri ?

Par le :: Manga

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J'ai déjà fait la revue de l'adaptation en anime de Sasameki Koto, une série en 13 épisodes qui correspond aux 2 premiers volumes reliés du manga. Étant donné que le titre est maintenant édité en France, j'ai pu découvrir la suite de l'histoire et le trait d'origine de son auteur, Takashi Ikeda, du seul manga estampillé yuri dans ma mangathèque, à ce jour.

Sasameki Koto

Quand vous vous penchez sur l'intrigue, le titre est assurément à tendances shôjô ai : Sumika Murasame est secrètement amoureuse de sa meilleure amie et camarade au lycée, Ushio Kazama. Si Ushio s'intéresse ouvertement aux filles, elle pince uniquement pour les belle petites plantes kawaii. Grande et athlétique, Sumika ne correspond guère au profil et doit prendre son mal en patience, condamnée à supporter sa meilleure amie dans ses tentatives avortées de conquête, en jouant les bonnes copines. Ushio ne trouve jamais son bonheur, d'autant plus que ses cibles sont généralement attirées par les garçons.

Takashi Ikeda joue sciemment des opportunités qui s'offrent à lui en guise de situations amoureuses. Dans les premiers chapitres, Ushio est attirée par la sempaï avec qui elle travaille à la bibliothèque. Alors que nous entrons dans un schéma classique, où Ushio hésite à déclarer sa flamme, en étant à la fois toute excitée de le faire et d'en discuter sans arrêts avec Sumika, le retour aux réalités est des plus brutaux : La jolie sempaï sort ses griffes, malade de jalousie, car Ushio attire, sans le savoir, un garçon sur lequel son aînée a jeté son dévolu.

L'exemple illustre les propos de Moto Hagio, qui trouvait les histoires d'amour classique ennuyeuses à raconter et ventait les mérites des récits yaoi, beaucoup plus riches. Nous sortons des sentiers battus avec des triangles amoureux élargis et autant de quiproquos … et de combinaisons possibles.

Je trouve en revanche que l'exercice de style est parfois poussé trop loin et Sasameki Koto, nous plonge dans un imbroglio des plus improbables, avec une relation à trois impliquant non seulement deux filles mais en plus un travesti occasionnel, Masaki Akemiya, qui a conservé ses penchants hétéro, tout en étant très efféminé.  Par comparaison, dans Hôrô Musuko, Shuicihi Nitori est un garçon qui compte changer de sexe quand il aura le droit de se faire opérer, tout en devenant amoureux d'une fille pendant le récit. L'évolution s'effectue de manière beaucoup plus naturelle, sans cette impression que la situation est complètement tirée par les cheveux.

Sasameki Koto

La romance principale entre Ushio et Sumika présente aussi une complexité quelque peu artificielle. Nous aboutissons relativement à une situation du genre "je t'aime, moi non plus" et le moindre obstacle devient insurmontable et nous conduit à des chemins détournés, avec un pas en avant puis deux grandes enjambées en arrière. Là aussi, la situation est incongrue et rejoint le clan des récits amoureux, qui cherchent à jouer les prolongations, en évitant à tout prix de réunir les deux êtres aimés avant d'aborder le dénouement, en supposant qu'il y ait une fin.

Le moyen qu'a trouvé Takashi Ikeda pour divertir ses lecteurs et éviter qu'ils s'ennuient à suivre une relation qui végète, a été de rajouter de nouveaux personnages. J'ai cité le garçon travesti, Masaki, mais vous pouvez rajouter à la liste un autre couple de filles ouvertement lesbiennes, Tomoe Hachikusa et Miyako Taema, ou encore Azusa Aoi, une fan de romans shôjô, sans oublier les différents proches d'Ushio et de Sumika.

Au fil des tomes, quand le potentiel des protagonistes secondaires s'épuise, l'auteur aligne de nouveaux intervenants : Citons Charlotte Münchhausen, une jeune fille mignonne mais qui ne jure que par le karaté et qui se veut plus masculine, au grand désespoir d'Ushio, qui la trouve adorable en petite robe. Parmi les nouvelles premières années, vous trouvez aussi un autre duo de filles, Mayu Semimaru et Koino Matsubara, aussi complices entre elles que peuvent l'être Ushio et Sumika, et qui se retrouvent dans une situation similaire.

Alors que nous sentions poindre certains triangles amoureux avec tous ces personnages, il est étonnant de voir des changements de direction en cours de route. L'exemple le plus flagrant est Azusa, qui semblait s'immiscer auprès de Sumika et qui disparaît des écrans radar dès le tome 3, au profit des nouvelles arrivantes.

L'adaptation en anime s'est d'abord faite remarquer grâce aux personnages séduisants, avec un character designer réussi à partir des traits charismatique des filles que Takashi Ikeda a composés. Sumika peut être une grande perche, championne de karaté et dotée d'un caractère plus rigide que la moyenne, mais son visage est celui d'une belle jeune fille, pas celui d'un affreux laideron.

En revanche, à force de multiplier les personnages, nous sentons la limite du mangaka à pouvoir les différencier graphiquement et nous finissons par être perdus. Je pense notamment à une scène à la gare, où les différentes élèves se retrouvent sur le chemin de l'école, en s'étonnant de se voir car certaines filles ont en fait modifié leurs horaires. Ce sont toutes des personnes rencontrées dans les chapitres précédents, mais il est bien difficile de se remémorer tout le monde, sans revenir en arrière dans sa lecture, pour savoir qui est qui, en se demandant si vous ne confondriez pas deux individus.

En plus, à ce moment du récit, aux alentours du tome 4, le trait de Takashi Ikeda est visiblement plus relâché, avec des graphismes certes épurés mais qui sonne plus comme du laisser aller que comme un style réfléchi pour dynamiser le récit, en mode pseudo super deformed. Du coup, les traits des personnages en pâtissent, ce qui ne facilite pas la reconnaissance des nouveaux visages. Heureusement, le mangaka a bien redressé la barre par la suite.

A me lire, vous avez du saisir que le développement de l'histoire est branlant et que le dessin a parfois quelques faiblesses. Cela suffit-il à exprimer un jugement sans appel sur Sasameki Koto? Fort heureusement, non.

Considérons d'abord tous ces personnages secondaires qui viennent casser le fil conducteur de la trame principale. Certes, certains relèvent plus du remplissage qu'autre chose, tels que le père et les frères triplés de Sumika, qui font quasiment partie des meubles et qui participent à peine à l'ambiance comique par leur attitude caricaturale. En revanche, d'autres acteurs sont introduits de manière plus construite et pérenne.

Mieux, contrairement au duo principal qui fait du surplace, les protagonistes secondaires ont un parcours plus rectiligne et cohérent.  Encore une fois, c'est autant d'arcs parasites, qui traitent d'histoires parallèles, mais ils ont le mérite d'être bien adressés, en nous laissant le temps de mieux appréhender les personnages. Azusa Aoi a peut être un rôle éphémère mais en quelques pages, le lecteur connaît ses préoccupations et son caractère. Le récit évite de lancer immédiatement un triangle amoureux et considère d'abord Azusa, comme une nouvelle amie, que Sumika se doit d'aller aider dans son projet, après avoir malencontreusement gaffé. 

Un autre exemple est Norio Kazama, le frère d'Ushio et auteur secret de romans shôjô yuri à succès, sous un nom de plume, Orino Masaka, qui laisse croire qu'il est une femme. Nous le pensions cantonné au faire valoir discret mais le voilà qu'il évolue lui aussi, avec un impact certain sur la situation de sa soeur. 

De leur côté, les deux filles Tomoe et Miyako exécutent des actes conformes à leurs caractères bien trempés et malgré toutes leurs extravagances, elles sont finalement les plus terre à terre pour observer leurs amies autour d'elles. Paradoxalement, alors qu'elles mettent régulièrement les pieds dans le plat, elles refusent de révéler quoi que ce soit, qui pourraient accélérer quelques relations dans un sens ou dans l'autre. Elles font presque office de sages en jugeant qu'il est urgent d'attendre pour laisser faire le libre cours des choses, tout en rongeant pourtant leur frein, en voyant autant de situations prise de tête, qui n'ont pas lieu d'être. 

Sasameki Koto

Ensuite, malgré le manque de crédibilité dans l'intrigue, le manga aborde au moins un aspect réaliste pas forcément suivi dans d'autres titres similaire. Par exemple, dans Strawberry Panic, tout le monde est lesbien, alors que dans Sasameki Koto, les amours entre filles sont d'abord vus avec de gros yeux par la plupart des individus et la réaction de certains d'entre eux reflète le jugement sévère que peut porter la société sur les relations yuri.

D'autres traits peuvent être exagérés, avec, encore une fois, les combinaisons de travestis, d'hétéros et de couples lesbiens mais le phénomène de mise à l'écart est bien retranscrit.

Au lycée, Ushio transpire la joie et la bonne humeur, et ses amies ont intégré son attirance pour les jolies filles, sans y faire particulièrement attention. Pourtant, quand le récit nous projette dans une analepse au collège, nous découvrons qu'elle a connu de graves problèmes : Après avoir été accueillie à bras ouvert par ses camarades en tant que nouvelle élève transférée dans la classe et avoir suscité déjà l'intérêt de quelques garçons, elle est victime d'un changement radical d'attitude de la part de ces mêmes camarades, dès qu'ils comprennent qu'elle s'intéresse aux filles. Complètement rejetée par les autres, elle doit son salut à Samika, qui ne la laisse pas seule, en remplissant avant tout son devoir de déléguée de classe mais en se fichant aussi des qu'en dira-t-on quand elle choisit de la fréquenter et de devenir son amie.

Enfin, la principale force du manga est son sens du récit et de la mise en scène. Si la trame de l'intrigue est critiquable, la composition des pages est souvent remarquable au niveau scénaristique. Cela laisse quelques moments mémorables, qui sont parfois sans rapport avec le sujet principal. Je cite volontiers ce passage où Sumika essaie d'échapper à Azusa en demandant de l'aide à Ushio mais, en présence justement d'Azusa, les moyens de communiquer sans se faire prendre sont limités et la scène aboutit à une chute humoristique.

Sasameki Koto

De manière générale, vous retrouvez tout au long du manga cette qualité reprise dans l'anime : En omettant le côté exotique des triangles amoureux, l'auteur aborde les situations avec beaucoup de justesse, dans une atmosphère tranche de vie, à la fois sans tape à l'œil ni ennui. La succession de petits riens quotidiens est un véritable délice, qui fait regretter les artifices pour trouver une quelconque originalité. Je pars plutôt du principe que tout a déjà été dit mais que la manière de le raconter devient le facteur prépondérant pour se démarquer. 

Takashi Ikeda excelle dans l'exercice et j'ai en tête ce premier point d'orgue, où nous sentons que la relation entre Sumika et Ushio n'est pas à sens unique. Sumika part en congés en famille, pour quelques jours, en prévoyant bien entendu de donner de ses nouvelles à son amie pour avoir l'occasion d'échanger avec elle. Pourtant, à cause de quelques imprévus, elle ne peut pas joindre Ushio, ne serait-ce que pour lui envoyer un simple texto. Le comique de situation perdure, en plaçant des écueils bien trouvés, qui empêchent Sumika de téléphoner, mais la finesse du récit est de montrer l'attitude d'Ushio en parallèle, à des centaines de kilomètres de là.

Alors que la karatéka poursuit ses péripéties à cent à l'heure, ponctuée par les activités avec ses cousins, Ushio reste dans le cadre estival et calme de la ville, dans une histoire quasiment sans paroles où elle manifeste quelques points d'impatience, voir une certaine inquiétude de ne pas pouvoir joindre son amie. L'amusant est que Sumika, elle, réussit plus ou moins à se faire une raison, en se disant qu'elle reverra bien son amie au retour. La conclusion de l'épisode est des plus simples et serait presque un échange de propos banal mais cette dernière scène a une portée symbolique bien plus importante, après avoir vécu toutes les aventures précédentes.

Les meilleures chutes arrivent logiquement en fin de chapitres. Toutes ne se valent pas mais elles conduisent à quelques instants touchants.

Sasameki Koto

Je fustige les hésitations et la multitude d'occasions manquées pour rallonger le suspense de la romance entre Ushio et Sumika, mais le scénario opte aussi pour une approche plus approfondie, qui met en lumière les changements. Certes, l'auteur s'amuse en cours de route à intervertir les rôles des deux lycéennes, où Ushio semble chercher Sumika, mais il place un autre message et aborde un nouvel aspect qui ralentit l'idylle : La véritable amitié n'est-elle pas plus forte que les amours qui se révèlent éphémères ? Le tout est saupoudré de non dits de part et d'autre, pour en faire une montagne, mais le lecteur peut voir l'intrigue sous un autre jour et mieux accepter que la situation perdure. 

Indéniablement, Sasameki Koto est un bon manga et c'est d'ailleurs ma motivation première pour rédiger ce billet, mais je suis moins sûr que ce soit le meilleur titre yuri à mettre en avant, car j'ai justement l'impression qu'il pêche plus sur ce sujet en particulier que dans le traitement des autres aspects qui sont exempts de shôjô ai.

Étant donné le peu de titres de ce genre que je connais – même en y incluant Utena et Sailormoon -, j'éviterai de m'avancer beaucoup plus. Je me contenterai de vous inviter à lire l'édition française, l'un des rares titres japonais dans le catalogue de Clair de Lune. J'ai hésité à attendre la fin de la publication – 9 tomes en tout en Japon contre 5 sortis chez nous jusqu'à présent – mais il m'a semblé plus judicieux de mentionner le manga pendant que vous pouvez encore trouver les premiers tomes.

La traduction me semble convenable et la qualité d'impression m'a beaucoup plu, avec la reproduction de pages en couleurs. Le plus surprenant est le reprise des pages en postface, une vingtaine de feuilles quasi vides avec juste en bas le mot Murmures, la traduction littérale de Sasameki Koto. Vous me direz, c'est peut être une erreur d'impression comme il y en a eu sur d'autres titres de l'éditeur, mais l'effet est classieux.

Sasameki Koto

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Commentaires sur ce billet:

  1. Le 01/02/2013 à 00:33
    Corti a dit

    Tiens, je suis aussi ce manga et il me plaît plutôt bien. Comme tu le signales, il y a vraiment un traitement plutôt bien foutu par moments (le passé d'Ushio entre autres), sans qu'il soit absolument bien (ne serait ce que les sorties espacées ont tendance à me faire oublier les persos).

    En tout cas, j'espère que l'éditeur va finir la série, parce que Clair de Lune, on ne sait pas trop où ils vont là.

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