Nous avons échappé à la fin du monde annoncée pour 2012 et la prochaine date référencée par les médias n'est pas avant 2014, ce qui me laisse l'occasion de faire l'exercice délicat des prédictions pour 2013, dans le petit monde des anime manga. Étant donnée la tonalité de l'article, vous vous apercevrez que mes propos relèvent bien entendu de la faribole et de la plus mauvaise foi...ou pas.

1. L'arrêt du manga Détective Conan

Le 21 juin 2013, Gosho Aoyama, l'auteur de Meitantei Conan a 50 ans. Il a échappé à la crise de la quarantaine mais qui vous dit qu'il ne se posera pas la question à l'approche de la cinquantaine ? Après avoir atteint le demi-siècle et avoir dépassé les 78 tankôbon, il doit être temps de passer à autre chose, d'autant plus qu'il est sensé avoir imaginé la fin de sa série depuis 2007, d'après des articles en archives sur le net. Souvenez-vous, en 1993, à 30 ans donc, il a mis fin à son autre hit, Yaiba, lauréat du Shogakukan Manga Award l'année d'avant. Je prends cela pour un signe. 

2. L’intensification de la chasse au scantrad

Après l'adoption des lois Hadopi Reloaded et Hadopi Revolution, les éditeurs peuvent enfin partir en croisade contre le scantrad à moindre coût. La situation s'aggrave avec l'apparition des liseuses de bonne facture, avec écrans éclairés HD, en couleurs et de taille 7 pouces, particulièrement adaptés à la lecture des mangas disponibles à foison sur le net. Qu'importe si tout le monde investit encore à fond dans une affaire de traîneau 10 ans après qu'on ait inventé la roue, il faut d'abord sauver les meubles. 

En fait le salut viendra encore une fois des Etats Unis avec l'exemple de "pilou45du93" , qui se croira intouchable en faisant héberger son serveur dans un cloud à l'étranger. Pour avoir oublié de verser une taxe au fisc américain dont il ignore encore l'existence, le voici qui sera embarqué par le FBI et tous ses avoirs sur son livret A bloqués.  

3. Le manga numérique venu d'ailleurs

Vue l'attitude des réseaux de distribution qui essaient de reproduire leur modèle dans le numérique uniquement pour verrouiller leur secteur, et le résultats mitigés des divers essais, notamment au Japon, il ne faudra pas attendre d'initiative spectaculaire de la part des acteurs traditionnels. 

En revanche, fort de son expérience, de ses nouveaux Kindle avec écrans HD et de son format propriétaire, Amazon pourrait percer de manière spectaculaire et aboutir à la situation qu'a Apple sur le marché de musique en ligne, faisant fi des majors : "Acceptez ma grille de tarifs ou vous êtes morts". Dans un tel cas, le manga version électronique atteindrait un prix attractif par rapport à la version papier et laisserait présager un essor des ventes en volumes. 

4. L'explosion du roman graphique

Il s'agit des romans classiques adaptés en mangas. Le genre est largement surexploité maintenant dans la bande dessinée franco belge, mais me paraît avoir encore de la marge de progression dans la formule manga. Il offre une caution culturelle à un produit encore décrié et entre dans la catégorie des cadeaux ludiques mais utiles pour les plus jeunes.

Si vous vous lancez dans les intégrales de Balzac et de Zola, vous avez le temps de voir venir.

5. Un véritable éditeur de Visual Novels en France

Les producteurs de jeux vidéo devraient encore ignorer le sujet, en jugeant que le marché reste une niche trop petite. En revanche, il pourrait intéresser des protagonistes anime/manga cherchant à diversifier leur production et à offrir une palette complète d'offres autour d'un titre, à l'image de la sortie hexagonale des Original Soundracks pour un anime, par exemple.

Après, il ne faudra pas rêver et le soucis de prix de revient imposera sans doute de s'en tenir à une traduction Bing des titres parus chez Mangagamer. Les bons traducteurs sont trop chers, les pires étant les passionnés, impossible à gérer tellement ils tiennent à faire du bon travail.

6. Fullmetal Panic en anime c'est bel et bien terminé

La licence n'est pas encore morte avec les romans Full Metal Panic! Another qui continuent de sortir chaque semestre, mais elle a du plomb dans l'aile pour ses adaptations, avec la fin du manga Full Metal Panic! Sigma au 19ème tome.

Nous approchons des 2500 jours depuis la sortie de la dernière OAV et c'est un beau jour pour que Yasuhiro Takemoto vienne annoncer officiellement qu'il ne fera plus jamais de nouvel opus de FMP pour enfin le donner le coup de grâce à quelques fans. Et s'il y avait quelqu'un d'autre que Yasuhiro Takemoto aux commandes ? Je répondrai : Est-ce que cela compte ?

7. La sortie de Yokohama Kaidashi Kikô en version francophone

Voilà un manga commencé en 1994 et arrêté en 1996, ne comportant que 14 tankôbon et lauréat du Seiun Award en 2007, mais encore jamais édité en occident, avec pourtant une grosse notoriété parmi le fandom. Il serait donc temps, vue la disette de titres phare en ce moment.

A défaut d'un succès en librairie, je vois bien Hitoshi Ashinano, l'auteur, décrocher un fauve à Angoulême par la suite, un bon dix ans après avoir terminé ce manga qui ne fait pas trop manga.

8. Le désengagement de plusieurs éditeurs du manga en France

L'année horribilis remonte à 2011 mais il est sûr que la période faste est dernière nous et ce pour plusieurs raisons. Les gros blockbusters ont déjà été publiés ou sont sur le déclin, en terme de chiffres de ventes, car les sorties française ont rejoint les publications japonaises et ont donc un rythme de parution moindre. Kana ne peut plus sortir plus 6 tomes de Naruto par an, par exemple.

Au Japon même, il n'existe pas de nouveaux titres équivalents et en plus, parmi les titres qui fonctionnent là bas, rien ne dit qu'ils marcheront chez nous. Les éditeurs font plutôt une croix sur les mangas de sport et Kaze a été prudent avec Sket Dance, un des hits là-bas pourtant.

Pour revenir à la France, il y a aussi le problème de générations. Pénalisé un temps par rapport aux types de bandes dessinées qui avaient une population de lecteurs plus âgée, le manga ne voit pas non plus son lectorat vieillir mais plutôt partir. La population Club Dorothée a été remplacée par la génération Pokémon/Naruto mais qui viendra derrière ? Inazuma Eleven ?

Enfin, poussés par les sorties cinéma, les comics connaissent un renouveau qui attise les convoitises des grands groupes, Panini n'étant plus le seul acteur actif sur le créneau. A l'image des mangas, de nouveaux labels ont surgi pour gérer les licences de comics et il serait logique que les investissements aillent en priorité dans ce secteur, plutôt que dans le manga.

Cela m'étonnerait qu'à moitié que dans un marché globalement en baisse, le groupe Delcourt amorce la consolidation de ses 3 labels manga, entre Delcourt canal historique, Tonkam et Soleil manga.

9. La multiplications des nouveautés

Paradoxalement, le marché en baisse n'est pas forcément synonyme de moins de nouveautés. La première raison est qu'encore une fois le Japon ne semble plus produire le blockbuster massue qui écrase la concurrence. De toute manière, la France n'ayant plus vraiment de retard, il sera impossible de publier plus de 3 tomes par an, les meilleurs titres au Japon n'ayant pas beaucoup d'avance par rapport à nous.

Nous sommes loin d'avoir épuisé le catalogue de classiques disons des années 70-80 mais ceux-ci ne semblent pas rencontrer leur public chez nous désormais. Pour maintenir le volume d'exemplaires et les tarifs préférentiels auprès des imprimeurs, il faudra donc publier plus de séries.

A cela s'ajoute la chute des ventes entre un premier tome et la suite dans une série normale. La chute peut même devenir vertigineuse dès le tome 4 et cela explique pourquoi des éditeurs traînent des pieds pour finaliser une série pourtant terminer depuis belle lurette au Japon. Les derniers tomes  doivent être difficilement rentables alors qu'ils ont tout intérêt à sortir de nouveaux titres, en jouant sur la curiosité, quitte à faire le deuil de la suite.

D'où un max de nouveautés mais pas forcément plus de publications au total.

10. Le crowdfunding au secours des mangas

La formule consiste le plus souvent à faire appel à des internautes pour acheter des parts dans un projet, puis à se partager les bénéfices lorsque le projet aboutit. L'exemple classique mis en avant est la chanson Toi plus moi de Grégoire financée par les membres de MyMajorCompany, qui ont pu faire une jolie culbute vu le succès du titre.

La recette s'est déclinée dans d'autres secteurs avec des éditeurs apportant une partie des fonds complétés ensuite par le public, en lui faisant miroiter le retour sur investissements. Évidemment, la réussite est aléatoire, notamment dans le domaine des livres, où il est rare de gagner des mille et des cents.

Il est plus sage de redéfinir la méthode comme étant une suscription pour un titre, à l'image de ce que faisaient des écrivains aux siècles précédents, avec les moyens du bord. Remplir le quota de fonds pour lancer un projet est déjà un bon indicateur de risque pour l'éditeur, qui, en plus, s'il est habile, peut utiliser la base de souscripteurs comme autant de relais motivés pour sa campagne marketing.

Seul point noir, les meilleurs contributeurs seront aussi des "pilou45du93", ceux là même mis hors course dans le point 2, souvenez-vous. VDM.

11. L'annonce de Japan Expo Tôkyô

Après le lancement de Japan Expo Los Angeles, j'imagine bien la SEFA nous faire ce coup là et pourquoi pas une annonce dès cette année.  

12. Une hécatombe parmi la blogosphère

Le phénomène de disparition et de mises en hiatus de blogs est courant mais le renouvellement devrait être plus difficile. C'est encore une fois une question de générations, les blogueurs préférant traiter de Twilight ou de Koh-Lanta mais c'est également du au nouveaux modes de communication, tel que je l'exposais dans mon article à propos des médias sociaux.

A contrario, si les visiteurs et les lecteurs sont toujours là, les blogs rescapés devraient profiter d'un audience plus conséquente.

13. Akemi Takada à AX 2013 ou JE 2013

Le 1er juillet 2013, on célébrera les 30 ans de la série Creamy Mami, qui a déjà fait l'objet de quelques expositions pour l'occasion....en 2012. Ce serait étonnant de ne pas voir Akemi Takada, la character designer, invitée à l'une des deux grands manifestations de l'été qui ont lieu en même temps, Anime Expo, à laquelle elle a participé en 2008, ou Japan Expo, où elle était en 2009.

Sources:
- Le Manga en France
- Numérologie 2011
- Illustration par Tamago no kimi