Animint

  Anime & manga

 
 
“Animint traite des dessins animés japonais et du manga. Outre ce blog, le site comporte plusieurs milliers de pages de texte illustré.”

Planète manga - Conférence sur l'animation japonaise pendant la période 1930-1950

Par le :: Manifestations

films , mangas , 2012 , animes , musiques

Planète manga a commencé au Centre Pompidou depuis le 11 février 2012, mais j'ai débuté le cycle qu'à partir de samedi dernier, avec un programme consacré aux débuts de l'animation japonaise. J'ai sauté la première séance de projection, qui concernait des anime des années 20, pour me concentrer sur la conférence d'Ilan Nguyên, qui a été suivie d'une autre séance de projection, avec des dessins animés des années 1930 et 1940.

La conférence avait lieu en accès libre, dans la salle Cinéma 1 de 300 places, bien remplie pour l'occasion, même si pas mal de monde a décroché avant la fin, l'exposé ayant duré 1 heure et demi en tout. Régulièrement, Ilan Nguyên interrompait son discourt pour l'illustrer avec des extraits plus ou moins longs, ou il nous renvoyait aux projections de la séance d'après.

Planete manga

Il a commencé avec des points de vocabulaire en s'arrêtant sur l'origine des mots manga, anime ou encore gekijôban. Il s'est aussi attardé sur les ryakuga  - dessins abrégés - de Keisai, antérieurs de 15 ans aux célèbres Hokusai manga, et véritable précurseur avec son style minimaliste. La Méthode de dessin abrégé d'oiseaux et d'animaux (1797) et la Méthode de dessin abrégé de personnages (1799) ont d'ailleurs été rééditées récemment en version française.

Planete manga

Après cette introduction, Ilan Nguyên a choisi de centrer ses propos autour de deux acteurs majeurs de l'animation des années d'avant et juste après guerre, à savoir Noburô Ôfuji et Kenzô Masaoka.

En fait, Noburô Ôfuji a été le premier animateur japonais identifié à l'étranger, de la France à l'U.R.S.S., avec une présence de ses œuvres au festival de Cannes de 1952 et à la Mostra de Venise en 1956.

Son parcourt commence à Tôkyô, quasiment en autodidacte et en solo, son studio étant une entreprise familiale. Il innove avec la technique de papier découpé, où les personnages sont décomposés suivant leurs articulations pour pouvoir être animés par la suite. L'auteur use de la même méthode pour animer les visages, ou bien se cantonne à des silhouettes en ombre chinoise,  finement sculptées.

Planete manga

En 1926, son premier film, Le voleur de Badgad est diffusé en salle et se fait remarquer. Expert dans le maniement du papier découpé, d'abord en noir et blanc, puis plus tard en couleurs, il montre un sens inné du rythme pour associer la musique avec les images, qu'Ilan Nguyên nous a illustrés par un extrait de La danse des chats noirs de 1931.

L'usage des celluloïds revenant très cher à l'époque, Noburô Ôfuji ne s'y essaye que tardivement. L'extermination des Tengu, de 1934, montre une fluidité exceptionnelle mais le réalisateur singe plus les productions américaines, qu'il n'imprime sa propre personnalité et il excelle mieux dans la technique du papier découpé, qu'il continue à utiliser en parallèle.

Nous avons eu droit à la projection entière du Fil de l'araignée de 1946, qui retranscrit un conte fataliste, où par cupidité, un damné rate la chance que lui donne Bouddha de sortir des Enfers. L'exercice est effectué avec des personnages en ombre chinoise et Noburô Ôfuji réussit à faire transmettre les émotions, alors que les silhouettes sont opaques et qu'aucun trait de visage n'est visible. Le public ciblé est adulte et l'auteur se démarque par le choix de ses sujets, imprégnés du folklore japonais et d'éléments dramaturges, telles que les références récurrentes à la vengeance.

L'un des chefs d'oeuvre de Noburô Ôfuji est Le vaisseau fantôme de 1956, diffusé aussi pendant la conférence, une démonstration de son art pour la technique du papier découpé, où il joue sur les mouvements, la transparence et les couleurs des différentes couches.

Il décède en 1961, et suivant son souhait, un prix portant son nom est désormais décerné par le Mainichi Shimbun, qui récompense chaque année des courts ou moyens métrages, ou des films d'auteur.

Planète manga

La deuxième partie de la conférence s'est focalisé sur Kenzô Masaoka, qui est issu d'une famille aisée et qui a suivi des études artistiques conséquentes, avec une maîtrise de la peinture académique et une initiation à l'art de la scène et aux maniement des tambours japonais. Il embrasse d'abord le cinéma en occupant divers postes, d'assistant réalisateur à caméraman, avant de se tourner vers l'animation.

Kenzô Masaoka fonde son studio à Kyôtô et s'entoure d'une équipe d'assistants dès le début, contrairement, par exemple, à un Noburô Ôfuji, qui travaille seul, de manière plus artisanale. La place de Kenzô Masaoka est très importante dans l'histoire de l'animation japonaise. Il est d'abord reconnu pour avoir utilisé des techniques novatrices dans le domaine. S'il utilise d'abord la technique du papier découpé comme ses confrères, il adopte une utilisation tout de suite plus originale, en recopiant les personnages complètement image par image, au lieu de les animer membre par membre. Il acquiert ainsi une plus grande liberté de mouvement.

Malgré les coûts de production élevés, il arrive à se lancer rapidement dans le celluloïd et pour la première fois au Japon, il crée un dessin animé parlant : Le monde du pouvoir et des femmes. Au delà de la prouesse technique, avec le rajout d'une histoire parlée, le récit dure 26 minutes, une durée énorme pour l'époque.

Le studio de Masaoka est une pépinière d'animateurs, qui font leurs propres films, dont l'essentiel pour le service de propagande, le Japon étant déjà en guerre à cette époque. Après la conférence, nous avons pu voir, par exemple, Norakuro Gochô, un court métrage muet de 1933 de Yasuji Murata, un des collaborateurs de Masaoka.

Planète manga

Kenzô Masaoka est d'ailleurs remarquable en ayant réalisé sa plus grande réussite,  L'araignée et la tulipe, en plein pendant la période la plus troublée, en 1943, alors que le sujet n'a rien à voir avec les valeurs véhiculées par les militaires au pouvoir.

Le réalisateur s'est vraiment approprié l'usage des celluloïds pour y apporter ses propres effets et sa poésie. Il use d'une débauche de moyens pour nous faire passer une dizaine de minutes magiques, entre le design des personnages, les décors et les effets de pluie, qui font honneur à son surnom de Disney japonais. Le film a d'ailleurs été montré à la séance de projections, après la conférence.

La quête de la beauté était un thème plus à la mode à la sortie de la guerre, alors que le Japon était encore en ruine. Le stylo magique de Masao Kumagawa, projeté également au centre Pompidou, est dans cette lignée, entre rêve et tristesse, en cette année 1946.

Enfin, le rôle de Kenzô Masaoka a été fondateur en créant un nouveau studio après la guerre, avec la contribution de Sana Yamamoto, le réalisateur de Momotaro, roi du Japon, un des films de propagande les plus connus. C'est cette structure que la Toei achète dans les années 50 pour en faire son département d'animation, la Toei Animation, qui produira le premier long métrage d'animation japonais en couleur, le Serpent blanc, et où Isao Takahata et Hayao Miyazaki feront leur classes.

Pour être honnête, j'ai été très peu réceptif aux films projetés mis à part quelques titres que je suis vraiment content d'avoir vus, mais je m'y attendais, et c'est d'ailleurs une de raisons pour lesquelles, j'avais escamotés les projections de l'événement aux sources de l'animation japonaise, qui avaient eu lieu à la Maison de la Culture du Japon, il y a maintenant 10 ans.

Je suis meilleur public en conférence, avec ici un exposé plus dense que compliqué à suivre – pas de concept technique à cerner comme dans certains ouvrages d'animation – et qui m'a donné envie d'en savoir plus, de fouiner sur le net pour compléter ses notes ou approfondir quelques aspects survolés par le conférencier.

Planète manga

Discuter de ce billet sur le forum - - Laisser un commentaire »

Cet article vous a plu?

Faites-le connaître ou votez pour cet article sur les sites suivants :

  • anime manga aggregator sama
  • Partager sur del.li.cious
  • Partager sur Facebook
  • Partager sur Google

Commentaires sur ce billet:

  1. Le 21/02/2012 à 17:30
    Afloplouf a dit

    Veinards, c'est bien en des occasions comme celle-là - et celles là seules :P -que je regrette de ne pas être parisien.

  2. Le 23/02/2012 à 06:57
    Little Yokai a dit

    Wow, t'as fait de la meilleure prise de note que moi, ah ah. J'ai pris des notes pour garder des idées mais j'aurais jamais put retranscrire la conférence comme tu l'a fait, chapeau, c'est génial pour ceux qui auront pas put y aller ! (Oh, tu serais pas le mec qui a fait "oooh" à propos de l'arrêt d'un des dessins animés durant la conférence ? ) Par contre tu a pas mentionnée l'utilisation du papier chiyogami parmi le papier découpé, qui est pourtant assez intéressant dans le sens ou ça fait écho à des méthodes de texture que l'on peut voir dans les animés aujourd'hui 'o'

    J'avoue ne pas avoir été super réceptive aux extraits projetés, quoique si j'aimais bien les premiers, mais j'avais m'être véritablement endormie sur les 2 derniers, entre le coté mega silencieux de la salle, le blanc qui fait mal aux yeux et les dessins et histoires super space (L'histoire avec charlie chaplin la '_'; )

    Mais je regrette pas d'y avoir été, c'était super intéressant !

  3. Le 23/02/2012 à 18:37
    Pazu a dit

    @Little Yokai Sur le moment, j'avais aussi ma (sur)dose d'extraits de films muets mais c'est vrai que j'ai pu apprendre beaucoup de choses pendant cette séance. La prise de notes me permet de rester attentif, même si de temps en temps, cela se résume par "au fait, il a dit quoi là, déjà?".

    Par habitude, les notes me servent de support de compte rendu, avec un certain filtre pratique pour conserver l'essentiel contrairement à une retranscription complète de bande audio ou vidéo. En d'autres occasions, j'ai vu certaines personnes arriver à taper et formater leur texte en direct via leur ordinateur de poche.

    Pour le papier chiyogami, je ne me souvenais plus avoir vu d'exemples concret après donc j'hésitais à le relier à Noburô Ôfuji. Mes notes ont quand même quelques trous ;)

  4. Le 14/03/2012 à 08:01
    Dans Le Monde du manga #18 | BoDoï, explorateur de..., il a été dit

    [...] 4 d [...]

  5. Le 27/09/2013 à 15:16
    Dans Le Monde du manga #18 | BoDoï, explorateur de..., il a été dit

    [...] 4 d [...]

Ajoutez votre commentaire:

Merci de bien vouloir soigner votre orthographe et de proscrire le style SMS.


Le code HTML est affiché comme du texte et les adresses web sont automatiquement transformées.

 

↑ Haut de page